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Québec : malaise à la csdm (commission scolaire de montréal)
dimanche 22 novembre 2009, par
par Robert Dutrisac, Le Devoir
Québec - La Commission scolaire de Montréal (CSDM) veut bannir le voile, ou hidjab, qui fait partie de l’uniforme scolaire, comme c’est le cas à l’école Marguerite-De Lajemmerais. Mais il n’est pas clair que la commission scolaire en ait le pouvoir ; il revient à l’école et à son conseil d’établissement de définir le code vestimentaire des élèves.
L’école Marguerite-De Lajemmerais, une école publique pour filles de l’est de Montréal, a innové en intégrant le voile islamique à l’uniforme officiel de l’établissement. Les jeunes filles n’ont plus le droit de porter le hidjab de leur choix, mais doivent se coiffer d’un voile, blanc ou noir, qui porte le logo de l’école et qui provient du fournisseur autorisé. Le port du voile n’est évidemment pas obligatoire, mais si une élève de foi musulmane choisit de le porter, c’est le voile de l’école qu’elle doit revêtir.
Pour la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Christiane Pelchat, il est inadmissible que le voile fasse partie de l’uniforme de l’école, même s’il est optionnel. « Le problème, c’est l’accommodement généralisé, que le port du voile devienne une norme sociale imposée par l’école », a-t-elle signalé au Devoir.
Une école ne peut pas interdire à une élève en particulier de porter le hidjab, et c’est un phénomène courant dans les écoles de Montréal. Il s’agit là d’un accommodement raisonnable que les établissements scolaires ont l’obligation d’accorder en vertu des chartes, comme l’a statué en 1995 la Commission des droits des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). L’accommodement est accordé à la personne et ne doit pas se confondre avec une norme, a rappelé Mme Pelchat. « La pression sociale sur les jeunes filles est très forte, si en plus ça fait partie de l’uniforme, c’est inacceptable », estime-t-elle.
La présidente de la CSDM, Diane De Courcy, est du même avis. « On a un malaise, a-t-elle dit. On institutionnalise un signe religieux. »
« Le conseil d’établissement a voulu faciliter un « vivre-ensemble », a fait valoir Mme De Courcy. Pour cette année, nous comprenons que le conseil d’établissement a pris sa décision en toute bonne foi en voulant rendre son uniforme complet. »
« Mais pour 2010-11, il est hors de question qu’il y ait des signes religieux distinctifs comme celui-là, ou autre, à l’effigie d’une école ou d’une commission scolaire », a indiqué Mme De Courcy. Pas question non plus qu’un hidjab fasse partie de l’uniforme d’une école.
La CSDM entend adopter une politique et une directive portant sur les signes religieux et les uniformes, ce qui n’existe pas encore. D’ailleurs, l’école Marguerite-De Lajemmerais, qui est fréquentée par de nombreuses élèves musulmanes parce qu’il s’agit d’un établissement réservé aux filles, est la seule école de la CSDM à avoir adopté un uniforme qui comprend le voile islamique.
Mme De Courcy reconnaît que le code vestimentaire d’une école ou l’imposition d’un uniforme relèvent des prérogatives de l’école et de son conseil d’établissement. À la CSDM, on se demandait hier si, en vertu de la Loi sur l’instruction publique, les commissions scolaires pouvaient imposer aux écoles leur code vestimentaire ou la composition de leur uniforme.
« Il faut bien se baliser, croit Diane De Courcy. Le ministère de l’Éducation a mis en place des commissions scolaires pour s’occuper de ces choses-là. »
La ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Michelle Courchesne, est du même avis que Diane De Courcy. « À partir du moment où le port du hidjab est un choix, ma position, c’est que normalement l’institution publique n’a surtout pas à fournir le hidjab », a-t-elle indiqué au Devoir.
Sa position s’inspire largement du rapport Bergman Fleury rendu public par la ministre en décembre 2007. Ce rapport insistait sur l’importance des « repères communs » et d’un cadre de référence pour l’accommodement raisonnable et « l’ajustement raisonnable ». À tout événement, c’est aux commissions scolaires, et non pas au gouvernement ou au ministère, d’encadrer les conseils d’établissement en la matière, estime Michelle Courchesne.
« Le port de l’uniforme, c’est un choix du conseil d’établissement, a-t-elle toutefois fait observer. À la limite, la commission scolaire pourrait ne pas avoir de pouvoir là-dessus. »
La ministre n’a pas voulu aborder la question de la laïcité de l’État et du livre blanc sur le sujet, dont la commission Bouchard-Taylor recommandait la rédaction. « C’est un débat qui est plus large », a-t-elle dit en se défilant.
C’est certainement un débat que le gouvernement Charest veut éviter puisqu’il a jeté aux oubliettes le projet de loi 16 « favorisant l’action de l’administration à l’égard de la diversité culturelle », un projet de loi qui avait donné du fil à retordre à la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, le mois dernier en commission parlementaire.
Même si la CSDM émet une directive pour prohiber le hidjab de l’uniforme, le problème reste entier, estime Christiane Pelchat. « C’est au gouvernement à définir ces balises-là. Et tant que gouvernement ne le fera pas, on va assister à des dérapages comme celui de l’école Marguerite-De Lajemmerais. Ça m’inquiète. »
« Combien y a-t-il de cas qu’on ne connaît pas, qui sont gérés à la petite semaine par des gens de bonne volonté qui ne veulent froisser personne ?, s’est demandé la présidente du CSF. Le projet de loi 16, c’était une belle occasion pour le gouvernement de fixer des balises. »
Source : Le Devoir, 13 novembre 2009.