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Italie : « L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer, des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés »
lundi 8 juillet 2019, par
Italie : « L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer, des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés »
mardi 2 juillet 2019 à 11h24 - Mis à jour le 02 juillet 2019 à 16h13
Dans une tribune au « Monde », un collectif de huit dirigeants d’ONG demande la libération immédiate de Carola Rackete. Le 29 juin, elle était arrêtée pour avoir accosté de force en Italie avec une quarantaine de migrants à bord du bateau « Sea-Watch 3 ».
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par Collectif de 8 dirigeants d’ONG
Ayant pris la décision de forcer l’entrée dans les eaux territoriales italiennes pour pouvoir faire débarquer les migrants secourus qui étaient à son bord, Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, a été arrêtée dès son arrivée à Lampedusa. Cette démarche de la commandante de bord était motivée par l’état de santé précaire de certains des passagers recueillis en mer.
Carola Rackete a osé défier un gouvernement qui bafoue les principes élémentaires de sauvetage et de premier accueil. Elle sauve ainsi notre honneur, l’honneur perdu de l’Europe. Elle bouscule la politique aveugle du chacun pour soi de Dublin et les accords hypocrites confiant à des pays, aux marges de l’Union européenne (UE), le soin de mener pour nous Européens des politiques inhumaines de rejet et de mort.
C’est le dernier épisode d’une série de mesures prises, depuis de nombreux mois, à l’égard des acteurs de la solidarité, impliqués dans le secours apporté aux migrants. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont, dans l’histoire politique européenne, un rôle de contre-pouvoir et d’influence sur l’évolution des politiques gouvernementales. On pensait ce rôle bien ancré, communément admis dans le fonctionnement de nos Etats.
Des tentatives de déstabilisation
Cette fonction, indispensable à la démocratie, est aujourd’hui l’objet de multiples tentatives de déstabilisation. Si le terme d’organisations non gouvernementales apparaît en 1945 en même temps que naît l’Organisation des Nations unies, leurs prédécesseures, les associations de solidarité internationale, les avaient devancées dans la gestion de certaines crises, s’opposant à des décisions gouvernementales jugées inacceptables : c’est ainsi qu’est née Oxfam, en 1942, pour contrer le blocus des Alliés qui affamait la population grecque.
Partout où progressent les populismes, les dirigeants politiques ont bien perçu qu’une partie des opinions publiques est désormais sensible à des discours fondés sur le refus de l’accueil des étrangers, dans un amalgame volontairement brouillé des mécanismes qui poussent des hommes et des femmes à choisir le chemin de l’exil. La liste des menaces et tentatives d’intimidation s’allonge, déployant différents registres développés par les gouvernements.
Accusations de complicité avec des passeurs, par l’agence Frontex, à l’égard de Save the Children, en 2016 ; traduction devant la justice de citoyens mis en examen et condamnés pour des actes de solidarité à l’égard de migrants (Calais, vallée de la Roya) ; propos accusateurs de l’actuel ministre de l’intérieur français, M. Castaner, à l’encontre des ONG françaises qui se mobilisent dans ce domaine ; accusation d’une autre capitaine, Pia Klemp, par le même gouvernement italien d’« aide et de complicité à l’immigration illégale » ; immobilisation forcée de l’Aquarius sous de fallacieux motifs qui n’ont pour préoccupation réelle que d’interrompre les actions de sauvetage déployées par SOS Méditerranée…
Contre le principe d’humanité
Toutes ces stratégies constituent des atteintes réitérées à l’encontre du principe primordial qui fonde le droit international humanitaire (DIH) : le principe d’humanité. On assiste, au fil des mois, à une multiplication d’attaques de plus en plus décomplexées visant à occulter ce principe universel, comme ses fondements éthiques et juridiques. C’est au nom d’une commune humanité que des citoyens libres, agissant individuellement ou regroupés au sein d’associations, sont fondés à tendre la main, à se mobiliser pour secourir l’étranger qui fuit son pays, un pays qui n’est pas le nôtre, pour venir chercher secours, souvent au péril même de sa vie. Cet autre, qui malgré ce qui nous sépare, est un peu de nous-mêmes.
L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer ; c’est un déni des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés ; c’est un déni du principe d’humanité. Nous, dirigeants d’ONG internationales, conscients et informés des situations que fuient de nombreuses personnes secourues par le Sea-Watch, souhaitons apporter à Carola Rackete, prisonnière d’opinion, détenue politique, le témoignage de notre respect et de notre soutien. Nous demandons sa libération immédiate, sans condition !
Nous revendiquons un sursaut des Etats européens, à travers l’application du droit international de sauvetage en mer, et l’examen des demandes d’asile dans le respect de la convention de Genève, c’est-à-dire la mise en place de politiques d’accueil dignes.
Les signataires de cette tribune sont : Philippe de Botton, président de Médecins du Monde – France ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Xavier Emmanuelli, président du SAMU social international ; Rachid Lahlou, président du Secours islamique France ; Pierre Micheletti, président d’Action contre la faim – France ; Thierry Mauricet, directeur général de Première Urgence internationale ; Manuel Patrouillard, directeur général de la Fédération handicap international ; et Jean-Baptiste Richardier, cofondateur de United Against Inhumanity.