France : Projet de lotissement destiné aux chrétiens : tempête dans un bénitier ​à L’Île-Bouchard

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Projet de lotissement destiné aux chrétiens : tempête dans un bénitier ​à L’Île-Bouchard

Publié le 17/01/2022 à 19:59 | Mis à jour le 18/01/2022 à 10:40

L’annonce d’un projet de lotissement dédié aux chrétiens à l’Ile-Bouchard s’est répandue comme une traînée de poudre. (Photo NR, Julien Pruvost)

L’annonce du projet d’un lotissement destiné aux chrétiens à L’Île-Bouchard par notre journal a suscité de nombreuses réactions. Bien au-delà des frontières de la Touraine.

C’est peu de le dire que l’annonce dans nos colonnes du projet d’un quartier dédié aux chrétiens à l’Île-Bouchard, ce jeudi 13 janvier 2022, a fait réagir. Et cela dépasse les frontières du Bouchardais et de la Touraine.

À la paroisse Notre-Dame en Bouchardais, où le lundi c’est repos pour les prêtres après leur sacerdoce dominical, le téléphone n’a pas arrêté de sonner de la journée. « Surtout des journalistes pour en savoir plus, explique le secrétariat de la paroisse. Mais nous, on ne sait pas, ça nous tombe dessus. » La quiétude habituelle du village de 1.500 âmes a même été perturbée par la visite de journalistes parisiens, avides d’en savoir davantage sur ce projet.

Entre 220.000 et 460.000€ la maison

Rappelons que le promoteur Monasphère souhaite construire 17 maisons – du T3 au T7, de 84 m² à 180 m² – avec jardin privatif, avec halle, parvis et jardin partagé. Ce quartier, baptisé « Clos Saint-Gabriel », sera bâti sur un terrain cédé par la communauté religieuse de l’Emmanuel, qui gère le sanctuaire marial dédié à l’apparition de la Vierge à quatre adolescentes en 1947. Des logements mis en vente depuis hier entre 220.000€ et 460.000€.

Une vue aérienne du projet immobilier une fois que celui-ci sera terminé.
© (Photo Monasphère)

Sur la page Facebook de La Nouvelle République d’Indre-et-Loire, les commentaires ont été nombreux. Il y a les internautes indifférents, les personnes favorables mais surtout ceux opposés à un tel quartier. Un mot revient en boucle, « communautarisme ». Avec ironie, certains rappellent la récente loi contre le séparatisme – qui encadre notamment l’instruction à la maison – ou s’interrogent des réactions si ce lotissement avait été porté par la communauté musulmane ou juive.

L’association tourangelle Chrétiens pour une église dégagée de l’école confessionnelle (CEDEC) réagit par une lettre ouverte sur son terrain favori : la défense de la laïcité. C’est ce qui anime ces chrétiens depuis près de 40 ans. « On est citoyen avant d’être croyant, résume la présidente Monique Cabotte-Carillon. Mettre les gens en fonction de leur religion c’est marcher vers le communautarisme, c’est aller à l’encontre de l’unité nationale qui se vit grâce à la mixité. »

La peur d’un village « secte »

Dans le Bouchardais, les critiques sont peu ou prou les mêmes. À la boulangerie, le sujet a animé la journée. Et le sujet est clivant. « Il y a ceux qui sont pour, car cela va apporter de nouveaux habitants, et ceux qui craignent un village “ secte ” », résume la vendeuse.

Localement, on s’interroge sur le rôle de la collectivité. En substance, des habitants reprochent à la mairie d’avoir « laisser-faire ». Contactée par la NR, le maire Nathalie Vigneau a donné suite par un communiqué de presse. L’élue indique que Monasphère a déposé un permis de construire le 20 décembre dernier, dans cette zone à urbaniser. Un dossier en cours d’instruction par les services de l’État et de la communauté de communes. « Je rendrai un avis conforme à cette instruction. »

« Je serai attentive au fait que les nouveaux habitants s’intègrent dans notre commune »
Nathalie Vigneau, maire de L’Île-Bouchard

Jeudi, elle expliquait à La NR ne pas vouloir renier « dix-sept familles supplémentaires » surtout dans un contexte d’effritement démographique. La maire écrivait, hier, être « attentive au fait que les nouveaux habitants s’intègrent dans notre commune en fréquentant les diverses structures communales et associatives. »

Peu d’impact pour l’économie locale ?

Certains doutent fortement des effets bénéfiques. « Si on rêve de développer le territoire ce faisant, il suffit de se renseigner sur l’apport du fait religieux bouchardais à l’économie locale et au développement des écoles », écrit Betty dans un courrier adressé à La NR.

La boulangère ne dit pas autre chose : « On croise les doigts pour que les 17 familles ne mettent pas leurs enfants dans le privé et fassent vivre les petits commerces et pas que la grande surface. Pour le pèlerinage du 8 décembre, ils viennent à quinze pour une demi-baguette. »

••• « Aucune intention de faire un kibboutz »

Damien Thomas a vécu lundi 17 janvier 2022 une journée « mouvementée ». Le co-fondateur de Monasphère a passé sa journée avec des journalistes. Un coup de pub inespéré pour sa jeune start-up « même si on s’en serait bien passé. » Occupé à répondre aux sollicitations des médias, il n’a pas pu suivre la commercialisation des maisons.

Alors que c’est pourtant écrit noir sur blanc sur le site internet de Monasphère – « voisinage fraternel avec d’autres familles chrétiennes » – Damien Thomas rejette toute forme de communautarisme. « On n’a aucune intention de faire un kibboutz, ce n’est pas réservé aux chrétiens. C’est comme quand vous faîtes un éco-hameau, cela va attirer davantage d’écologistes, mais ce n’est pas exclusif. Ce n’est pas réservé aux chrétiens, il y aura de la mixité. »

Pour balayer tout soupçon de communautarisme, celui qui est aussi l’ancien directeur du Sanctuaire Louis et Zélie Martin (les parents de sainte Thérèse de Lisieux), à Alençon, assure que parmi les 150 familles déjà intéressées « certains enfants sont à l’école publique, d’autres dans le privé. C’est un stéréotype de dire que les familles font l’école à la maison ou que dans le privé. Les profils sont très variés, avec des familles aux horizons variés ».

L’entrepreneur réfute d’avoir caché sous le boisseau son projet (bon nombre d’habitants ont pris connaissance du projet par La NR jeudi). « On n’a rien caché, on a rencontré le maire et ses services, on a rencontré les riverains proches et on avait prévu une réunion avec les habitants en février. On ne peut pas cacher un projet immobilier. »

Damien Thomas certifie que son projet a du bon pour la commune et que l’exemple du Bouchardais risque de faire des émules : en plein direct avec une radio, il confie avoir reçu un SMS d’encouragement d’un maire du sud de la France « pas du tout chrétien » avec lequel il est en pourparlers pour installer un autre lotissement du type (une centaine est prévue au final). Du bon pour les écoles et les finances locales. « Les 4 millions d’euros du chantier vont profiter aux entreprises locales. C’est difficile de dire que ça ne profite pas au local. » Les premiers travaux doivent débuter dès cet été à L’Île-Bouchard.