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Ukraine : le corps des femmes comme champ de bataille
Manifeste LIBERTÉ ÉGALITÉ FÉMINISME
lundi 9 mai 2022, par
Source : email le 9 mai 22, FRONT FÉMINISTE
Voici la première action du FRONT FÉMINISTE, collectif international lancé le 8 mars dernier à l’initiative de Zéromacho et des Chiennes de garde. Il s’agit d’un texte intitulé
« Ukraine : le corps des femmes comme champ de bataille » : c’est une prise de position féministe sur la guerre en Ukraine émanant de 58 associations de 7 pays, signataires du manifeste ci-joint.
9 mai 2022
Ukraine : le corps des femmes comme champ de bataille
La guerre permet l’expression la plus désinhibée de la violence masculine. L’oppression viriliste et destructrice du patriarcat s’y déploie sans frein. Les femmes et les enfants, qui en temps dit « de paix » subissent des violences machistes individuelles, sont alors traité·es globalement comme des objets, des marchandises, des déchets.
Depuis des années, des opposantes féministes aux dictatures, telles les FEMEN ukrainiennes, avaient donné l’alerte. Elles voyaient juste…
Décidée par un Vladimir Poutine obsessionnel de la virilité, l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 se poursuit par une guerre de conquête. Comme en Tchétchénie ou en Syrie, l’armée russe massacre des civil·es. Elle pilonne des villes et bombarde des lieux abritant des femmes et des enfants vulnérables, des maternités, des hôpitaux.
Des millions de personnes ont fui les zones d’Ukraine bombardées : 90 % sont des femmes et des enfants. La moitié de celles qui ont quitté le pays ont moins de 18 ans.
Violence des armes, violences sexuelles.
Comme dans toutes les guerres,
le corps des femmes est un champ de bataille.
1. Le viol comme arme de guerre
De tout temps, les viols systématiques de femmes et d’enfants ont été inséparables des guerres. Depuis les années 1990, avec les conflits dans l’ex-Yougoslavie, le génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda et les atrocités commises au Kivu, ils sont considérés par la justice internationale comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. En Ukraine, comme dans le Donbass depuis 2014, la cruauté délibérée de soldats russes ou tchétchènes exerçant des sévices sexuels relève d’une stratégie visant à terroriser la population, à la traumatiser durablement, en inscrivant dans sa chair le viol de la nation : c’est une guerre dans la guerre, nourrie par la haine des femmes, assimilant dans la même agression le corps de l’autre et sa terre.
2. Location de ventres et trafic d’enfants
Des reportages ont montré des couples éplorés affluant en Ukraine pour récupérer leur commande : un·e enfant pas encore sorti·e de l’utérus loué ; on présente comme des victimes des personnes qui enfreignent la loi de leur pays, et exploitent la détresse financière de femmes amenées à louer leur utérus.
La situation d’Ukrainiennes enceintes pour d’autres est devenue inextricable : l’agence qui a négocié leur mise en relation avec le couple acheteur étranger leur interdit de quitter le pays, car ce serait une violation de leur contrat ; si les commanditaires financent leur voyage, ces femmes vont accoucher dans un pays dont la loi interdit la location de ventres.
3. Trafic de chair fraîche
Dans les gares et aux postes frontières, des proxénètes, appartenant à des réseaux mafieux ou agissant pour leur propre compte, abusent de la détresse et de l’épuisement de réfugiées fuyant la guerre. Se mêlant aux bénévoles qui offrent aide et solidarité, ils proposent transport, hébergement, emploi à de jeunes femmes démunies, qui sont victimes de racket, d’enlèvement, de travail forcé, de violences sexuelles, de traite d’êtres humains à des fins de prostitution ou de pornographie.
Ces criminels s’alignent sur la demande : sur les sites de rencontres et les sites pornographiques, les recherches ayant pour mots-clés « femme ukrainienne » se sont multipliées.
4. Accueil dans les pays voisins
Ayant quitté précipitamment leur foyer, des millions de femmes et d’enfants sont dépourvu·es de tout, et leur survie est entravée par des traumatismes. Des bénévoles les aident matériellement et psychologiquement.
D’autres femmes, prises en otages par la guerre, ne peuvent quitter le pays : elles survivent dans des caves, sont restées dans des fermes, s’occupent de personnes âgées, de malades, d’enfants.
Des Ukrainiennes enceintes à la suite de viols ne peuvent avorter en Pologne, où la loi l’interdit ; même si on les y autorisait, le personnel compétent manque.
Depuis longtemps, des féministes demandent que soit inscrit dans le droit européen le droit à l’avortement de toutes les femmes ; c’est aux femmes, et aux femmes seulement, de décider si elles veulent poursuivre une grossesse.
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Solidarité féministe internationale
Nous, féministes universalistes, affirmons notre solidarité avec le peuple ukrainien victime de l’agression russe, et dénonçons les violences spécifiques dont sont victimes les femmes et les enfants.
Nous saluons le courage des résistant·es ukrainien·nes et aussi des Russes qui s’opposent à la dictature de Vladimir Poutine et à la guerre qu’il mène contre l’Ukraine.
Nous demandons que tous les moyens diplomatiques soient mis en œuvre pour que cessent cette guerre et ces atrocités.
Nous demandons à la justice internationale de punir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Ukraine.
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9 mai 2022
Le FRONT FÉMINISTE présente
un manifeste cosigné par 58 associations et réseaux de 7 pays
LIBERTÉ ÉGALITÉ FÉMINISME
Le féminisme est un engagement pour la justice, l’égalité et la dignité. Universaliste, laïque et solidaire, il rassemble des femmes et des hommes qui, partout dans le monde, combattent le patriarcat, système de violences et d’oppressions fondé sur l’affirmation de la supériorité masculine.
Depuis des siècles, des féministes agissent collectivement
— pour l’égalité des femmes et des hommes, en droit et dans les faits
— pour la liberté des êtres humains et la fin des rapports de domination
— pour l’adelphité, c’est-à-dire un idéal associant fraternité et sororité.
NOUS, RESPONSABLES D’ASSOCIATIONS FÉMINISTES,
affirmons le droit des femmes au respect de leur corps sexué
et cosignons ce manifeste en dix principes.
En effet, nous constatons depuis le début du 21e siècle
— la banalisation croissante de l’exploitation sexuelle de femmes et de filles
— l’effacement du mot « femme » et du concept de sexe par des transactivistes qui agressent et menacent des féministes et des lesbiennes.
Nous dénonçons
— la marchandisation des femmes par la prostitution, la pornographie et la location d’utérus
— la culture du viol, inhérente au système patriarcal
— le contrôle du corps et de l’apparence des femmes
— l’effacement du sexe au profit du genre
Nous affirmons dix principes
1. La prostitution est une exploitation sexuelle machiste.
Il n’y a pas de droit à la sexualité. Dans de nombreux pays, les clients-prostitueurs sont, selon la loi, coupables d’un délit.
Une personne n’est ni une chose ni une marchandise. Les réseaux mafieux et les proxénètes qui organisent la traite d’êtres humains et exploitent la vulnérabilité de femmes et de filles commettent des crimes. Le consentement à un acte sexuel venant d’une femme exploitée lui est extorqué par la contrainte ou l’emprise. L’argent n’efface pas la violence.
Les personnes en situation de handicap ne veulent pas acheter des actes sexuels, même masqués sous l’appellation d’« assistance sexuelle », mais vivre dans une société plus ouverte et accessible, ce qui favorisera leur vie sexuelle et affective.
2. La pornographie normalise des violences sexuelles infligées à des femmes et à des enfants. Elle met en scène et propage massivement des images de prostitution, relève de la culture du viol et conforte l’ordre machiste.
3. La gestation pour autrui, qu’elle se revendique ouvertement commerciale ou prétendument « éthique », revient à louer l’utérus et la vie d’une femme, en programmant la cession d’un·e enfant comme d’un objet, pour satisfaire le désir de tiers commanditaires. Or un être humain ne peut faire l’objet d’un commerce : c’est un principe fondamental du droit. Un désir ne crée pas un droit. Il n’y a pas de droit à l’enfant.
4. Le viol a pour unique responsable le violeur. La honte doit peser, non sur la victime, mais sur le coupable. Chercher des excuses au violeur, c’est être complice.
5. Les violences du conjoint ne sont pas de l’amour. L’emprise masculine dans le couple hétérosexuel relève de la possessivité et de la domination. On ne bat pas par amour. On ne tue pas par amour.
6. Le respect du corps et de son intégrité est un droit. Les filles et les femmes subissent contrôles et critiques de leur corps, trop gros ou trop maigre, hypersexualisé ou contraint à être dissimulé. Les mutilations sexuelles sont des crimes que l’obéissance à une tradition ne peut justifier.
7. Le voile islamique est une oppression sexiste. En Iran, en Afghanistan ou en Arabie saoudite, des femmes qui refusent de le porter sont harcelées, emprisonnées, fouettées, tuées. En Occident, des femmes subissent des pressions de leur entourage pour le porter, d’autres le portent volontairement, ce qui n’en modifie pas le sens discriminatoire ; pour autant, cela ne justifie pas des violences envers des femmes voilées.
8. Le sexe relève de la nature, et le genre de la culture ; c’est l’association des deux qui constitue la personne. Le sexe est une réalité biologique, inscrite dans chacune de nos cellules, avec de multiples conséquences : production de gamètes, cycle menstruel féminin, etc. Le genre, ou sexe social, est une construction sociale et culturelle des rôles féminins et masculins qui promeut l’infériorisation du féminin et sa soumission au masculin.
9. Les « personnes trans » ont droit au respect de leur choix. Elles-mêmes doivent respecter les droits et les choix des femmes.
10. La mixité femmes-hommes est notre modèle de société. Néanmoins, les femmes ont droit à des espaces non-mixtes dans certains cas : pour se protéger de la violence masculine (toilettes, vestiaires, prisons ou refuges) ou pour exprimer des souffrances (groupes de parole). La non-mixité peut aussi être un choix politique (groupes féministes) ou de désir (rencontres entre lesbiennes). Quant au sport, admettre des « femmes trans » dans des compétitions féminines est inéquitable pour les femmes.
Des femmes et des filles cumulent plusieurs oppressions,
de par leur origine ethnique, leur couleur de peau, leur âge, leur apparence,
leur lesbianisme, leur pauvreté, leur handicap, etc.
Toutes ont en commun d’être du sexe féminin.
Nous sommes solidaires avec elles.
Nous voulons un monde juste.
Liberté Égalité Féminisme
Lancé le 8 mars 2022 par les Chiennes de garde et Zéromacho, ce manifeste du FRONT FÉMINISTE est ouvert à la signature d’autres associations : front.feministe gmail.com
Au 9 mai 2022, le manifeste du FRONT FÉMINISTE est cosigné par 58 associations de 7 pays (Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis, France et Italie)
B = Belgique ;
CAN = Canada ;
D = Allemagne ;
E = Espagne ;
USA = États-Unis ;
F = France ;
I = Italie
Pour certains collectifs internationaux, il s’agit de la section française.
F L’Amazone, activistes féministes radicales
F Amicale du Nid
F Bagdam Espace lesbien, Toulouse
F Centre Évolutif Lilith
F CHANCEGAL
F Chiennes de garde
F 50-50 Magazine
F Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution
F Collectif Féminicides par Compagnons ou Ex
F Collectif Femmes sans voile d’Aubervilliers
B Collectif Laïcité Yallah
F Collectif Libertaire Anti-Sexiste
F Collectif Midi-Pyrénées pour les Droits des femmes
E Comisión para la Investigación de Malos Tratos a Mujeres
F Conseil national des femmes françaises
F CoRP Collectif pour le respect de la personne
I Corrente Rosa
F CQFD Lesbiennes féministes
F le CRI, association abolitionniste de la prostitution
F Deep Green Resistance
F Encore féministes !
F Fédération Nationale Solidarité Femmes (73 associations en France)
E Feministas al Congreso
F Femmes contre les intégrismes
E Forum Femmes Journalistes Méditerranée
F Forum Femmes Méditerranée
F magazine Femmes ici et ailleurs
F Femmes libres, émission sur Radio libertaire
F Femmes Monde
F Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir
F Femmes solidaires
D Frauen für Freiheit
F Genre & Cultures
D KOFRA
F Libres MarianneS
F Ligue des Femmes Iraniennes
F Ligue du droit international des femmes
D Mannheim gegen Sexkauf
F Les Marianne de la diversité
F Mémoire traumatique et Victimologie
D Migrantinnen für Säkularität und Selbstbestimmung
F Mouvement des femmes kurdes
B Observatoire féministe des violences faites aux femmes
CAN Pour les droits des femmes-Québec
USA The Phyllis Chesler Organization
F Planning Familial 94, association départementale de Maisons-Alfort, Val-de-Marne
F 44 Vilaines Filles, association lesbienne féministe
F Radical Girlsss
F Rebelles du genre
F Regards de femmes
F Remue Méninges Féministe, émission sur Radio libertaire
F Réseau des VigilantEs féministes universalistes et laïques
F Réseau féministe « Ruptures »
F Réussir l’égalité femmes-hommes
F La révolution sera féministe, émission de Radio Galère, Marseille
B Synergie Wallonie pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes
F Women’s Declaration International - France
F collectif Ypomoni — Pour une approche éthique des questions de genre
F Zéromacho — Des hommes contre la prostitution et pour l’égalité femmes-hommes