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France : « On te croit » : contre les violences sexuelles, la gauche prise au piège de ses contradictions
samedi 9 juillet 2022, par
Source : https://www.marianne.net/politique/melenchon/on-te-croit-contre-les-violences-sexuelles-la-gauche-prise-au-piege-de-ses-contradictions?xtor=%20EPR-35-[NL_politique]&_ope=eyJndWlkIjoiZWU1YTU1MWQyNmQzMmYxMmE0MzMyZDY4NmJjYmFiMmUifQ%3D%3D
« On te croit » : contre les violences sexuelles, la gauche prise au piège de ses contradictions
Malaise
Par Jean-Loup Adenor
Publié le 08/07/2022 à 17:30
La France insoumise, engagée dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, s’enorgueillissait d’avoir créé au sein même du parti une commission de suivi des affaires de violences faites aux femmes. Mais l’affaire Taha Bouhafs et les accusations visant Éric Coquerel ont montré les limites d’un système fondé sur la parole donnée.
Les partis politiques peuvent-ils vraiment gérer les affaires de violences sexistes et sexuelles en interne ? Depuis l’éviction de Taha Bouhafs des élections législatives et le maintien d’Éric Coquerel à la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée, rien n’est moins sûr. Pis : là où, il y a quelques semaines, La France insoumise se félicitait d’avoir en son sein un Comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles, cette structure est aujourd’hui questionnée par la figure de proue du mouvement, Jean-Luc Mélenchon lui-même, dans une interview au quotidien Libération. « On pensait avoir trouvé la solution en mettant en place ce comité a déclaré Jean-Luc Mélenchon. Mais dans la pratique, on voit bien que ce n’est pas satisfaisant. »
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Pas satisfaisant ? Le militant LFI Taha Bouhafs, écarté du parti après des accusations de violences sexuelles, a pris la parole le 5 juillet dans un communiqué reprochant au parti, au comité d’écoute contre les violences sexistes et sexuelles et tout particulièrement à la députée féministe Clémentine Autain, d’avoir mené à son encontre une procédure à charge, sans contradictoire et sans même l’avoir informé de ce qu’il lui était exactement reproché. « Mais où est la justice dans tout ça ? Si les faits présumés sont graves, comme l’ont expliqué dans les médias certaines personnes visiblement mieux informées que moi ; pourquoi ne pas signaler ces éléments au procureur ? », écrit-il.
Une interrogation que semble partager Jean-Luc Mélenchon lui-même dans Libération : « Il y a eu un signalement ou des signalements. Je ne sais pas parce que c’est confidentiel. [...] Cela conduit à une mort sociale alors qu’il n’a pas pu se défendre et ne sait pas de quoi il est accusé. En conscience, qui peut lui refuser ? »
Le soutien de Mélenchon à Coquerel
Est-ce, à LFI, la fin de la doctrine du « On te croit », qui consiste à accueillir systématiquement la parole des femmes présumées victimes de violences sexuelles comme étant vraie, quitte à établir une présomption de culpabilité des agresseurs présumés ? Pour Jean-Luc Mélenchon, « on doit pouvoir dire à la personne qui s’est plainte « on te croit » et prendre les mesures nécessaires. Et tenir compte, à l’autre bout, d’un jeune homme de 25 ans qui demande de pouvoir présenter sa défense quand il est condamné à vie à l’infamie. »
Dans le cas d’Éric Coquerel, accusé par l’ex-gilet jaune Sophie Tissier de harcèlement sexuel, le chef des Insoumis est encore plus catégorique : « Éric Coquerel n’est coupable de rien du tout.Il fait l’objet d’une rumeur et d’une opération politique. D’ailleurs, le comité l’a innocenté. » Il n’est donc plus du tout question d’accueillir la parole de Sophie Tissier comme celle d’une femme victime qui dit, jusqu’à preuve du contraire, la vérité ; Jean-Luc Mélenchon sous-entend purement et simplement qu’elle ment à des fins politiques.
Dans la version web de l’entretien de Jean-Luc Mélenchon par Libération, cette dernière phrase a cependant été corrigée : « Dans la première version de l’article c’était écrit (sic) que le « comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles de La France insoumise a innocenté » Éric Coquerel. Mais nous faisons une rectification après la parution de l’article. Les propos de Jean-Luc Mélenchon : « D’ailleurs, les premières enquêtes journalistiques l’ont innocenté. » » Comme si le fonctionnement du comité était tellement opaque que même Jean-Luc Mélenchon s’y perdait...
La « rupture douloureuse » de Julien Bayou
Mais de quelles enquêtes parle-t-il ? Celle de Mediapart sur Éric Coquerel ? Dans un article paru le 2 juillet, Mediapart pointe effectivement le manque d’éléments étayant les comportements présumés problématiques d’Éric Coquerel, mais se garde bien de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence du député. Dans la même enquête, le site d’investigation pointe les dysfonctionnements du comité contre les violences sexistes et sexuelles : si « les procédures internes mises en place ces dernières années ont conduit à écarter plusieurs candidats (tels que Thomas Guénolé ou Taha Bouhafs), elles ont parfois dysfonctionné (comme en témoigne une alerte visant le député Ugo Bernalicis, jamais réellement traitée). » Et d’ajouter : « En interne, on dit aujourd’hui que ces procédures se sont « professionnalisées » récemment – ce que confirment plusieurs sources. »
LFI n’est pas le seul parti de gauche à chercher la bonne méthodologie pour gérer ces accusations de violences sexistes et sexuelles. Europe Écologie-Les Verts, confronté en 2016 à « l’affaire Baupin », a été précurseur dans la création de ce type d’instance. Et à l’image de La France insoumise, les cadres d’EELV se heurtent aux limites et aux dangers de ces dénonciations internes. Cette fois, c’est le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, qui est accusé par son ex-compagne. Dans Le Figaro, il explique que « la commission a été saisie suite à une rupture douloureuse et difficile ». Le député vert évoque « une rancœur qu’elle ne cache pas puisqu’elle m’a clairement écrit, trois jours après avoir saisi la commission interne d’EELV : « Inquiète-toi. Je vais revenir et en force. (...) La chute va être douloureuse. » » Et Julien Bayou d’attendre d’être auditionné « dans les meilleurs délais sur ce qui ne constitue en rien des violences sexistes ou sexuelles ». Déjà, il n’est plus question de « je te crois ».