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Liberté d’expression : ceux qui la méritent et … les autres : De Salman Rushdie à Julian Assange
samedi 13 août 2022, par
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Source : siawi.org
Liberté d’expression : ceux qui la méritent et … les autres :
De Salman Rushdie à Julian Assange
marieme helie lucas
12.08.22
Tout le monde n’est pas également éligible à la liberté d’expression. C’est du moins ce qu’on peut déduire de la défense inégalitaire octroyée – ou pas - à ceux qui sont victimes de censure, la mise à mort étant l’ultime étape de celle-ci...
C’est avec un grand soulagement que nous avons vu l’envolée générale du soutien à Salman Rushdie hier, après la tentative d’assassinat qu’il a subie et dont nous ne savons pas encore s’il sortira vivant (ou dans quel état) ; néanmoins cela ne nous a pas fait oublier que lors de la première fatwa - 14.02.89 - prêchant pour sa mise à mort, pour un roman supposé blasphématoire ( Les Versets Sataniques), bien de nos ami/es refusaient de le soutenir … pour toutes les raisons auxquelles nous nous sommes hélas, avec le temps, habitués : de il l’a bien cherché (comme ceux de Charlie Hebdo) à ce n’est même pas un bon écrivain (comme si les autres, mauvais écrivains, pouvaient bien crever – un argument soutenu alors par quelques amies pakistanaises par ailleurs intellectuelles, de gauche, et féministes - qui m’avait laissé coite).
Je me réjouis aussi très profondément qu’aux protestations concernant directement l’évènement d’hier et Rushdie lui-même, soit associé le souvenir de ceux qui ont été liquidés par les mêmes nazis-intégristes-brûleurs de livres pour la seule raison qu’ils ont participé à faire connaitre son oeuvre : traducteurs, éditeurs, etc…
Non, Rushdie n’a pas toujours eu la faveur des progressistes ni des organisations internationales de droits humains… Je me réjouis qu’il l’ait acquise depuis déjà quelques années.
Pourtant d’autres Rushdies sont actuellement pourchassés pour des raisons similaires et, pas plus que Rushdie à ses débuts, ne jouissent du soutien et de la protection sans conditions auxquels les tenants des droits humains se disent attachés (individus et organisations) : les vaillants dessinateurs humoristiques de Charlie Hebdos, l’enseignant laïque Samuel Paty, pour n’en citer que deux qui ont fait ces dernières années les gros titres de la presse internationale, continuent d’être très mollement plaints, car « mais » , disent les hypocrites, au fond, ils l’avaient bien cherché… Ecoutons Rushdie lui-même expliquer pourquoi, quand on lui dit : « je suis pour la liberté d’expression mais… », il cesse d’écouter…
Aujourd’hui même, l’éditeur Julian Assange se voit vilipendé, trainé dans la boue, soumis à la torture psychologique de l’isolement carcéral, menacé de prison à vie aux USA pour avoir rendu publics des crimes de guerre, commis par la même Amérique qui depuis hier hurle au scandale après la tentative d’assassinat de Salman Rushdie. Et le croiriez-vous ? les bonnes âmes disent d’Assange qu’il l’a bien cherché.
Serait-ce qu’il est plus acceptable d’incriminer l’Iran que les USA, dans le contexte international actuel ?
La défense de la liberté d’expression n’est jamais – jamais – indépendante de la politique (comme le prétendent les organisations internationales de droits humains) et nous devons nous montrer vigilants pour dénoncer l’instrumentalisation permanente des droits humains en général et de la liberté d’expression en particulier.
Oui, certains écrivains, éditeurs, traducteurs, etc… semblent bien encore aujourd’hui plus « méritants » que d’autres et plus dignes d’accéder à la liberté d’expression. Rushdie a franchi victorieusement cette étape en quelques décennies. Ce fut long. Avec son soutien et en son nom, veillons, aujourd’hui qu’il y a consensus sur le droit de Rushdie à la totale liberté d’expression, à ce que d’autres ne restent pas trop longtemps au purgatoire des droits humains.