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De Charlie Hebdo à Salman Rushdie, de la kalachnikov au poignard

mercredi 17 août 2022, par siawi3

Source : https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/de-charlie-hebdo-a-salman-rushdie-de-la-kalachnikov-au-poignard

De Charlie Hebdo à Salman Rushdie, de la kalachnikov au poignard

Édito

Par Jack Dion

Publié le 12/08/2022 à 19:10

L’auteur du livre « Les Versets sataniques », jugé blasphématoire par les pays musulmans les plus conservateurs, a été attaqué lors d’une conférence dans l’État de New York, aux États-Unis. L’édito de Jack Dion.

Le propre des fous de Dieu, c’est qu’ils n’oublient jamais, aveuglés qu’ils sont par ce qu’ils pensent être une mission divine. Salman Rushdie en a été la victime à New York, où il a été poignardé plus de trente ans après avoir été condamné à mort par une fatwa de l’ayatollah Khomeini, alors au pouvoir en Iran, pour « blasphème » envers l’islam. C’est pour la même raison que l’équipe de Charlie Hebdo a été décimée et que les massacreurs ont semé la mort dans Paris, à Nice, et ailleurs. C’est en vertu du même précepte que Samuel Paty a été décapité.

L’écrivain britannique d’origine indienne a vu la sentence lui tomber sur la tête en 1988, après la publication de son livre Les Versets sataniques, jugé impie et insultant pour l’islam. À partir de cette date, Salman Rushdie a vécu comme un paria, sous protection policière permanente, obligé de se cacher avec le nom d’emprunt de Joseph Anton, interdit de vie sociale et familiale normale. Son nom a été jeté en pâture aux quatre coins du monde, son livre brûlé en place publique comme au temps des autodafés. Certains de ses amis et collaborateurs ont été agressés.

Terrorisme islamiste

Il faudra attendre le 24 septembre 1998 pour que le gouvernement iranien renonce à la fatwa, sans pour autant lever la menace de mort, vu qu’une décision d’essence divine ne peut jamais être annulée. À partir de cette date, Salman Rushdie recommença une vie d’apparence normale, toujours consacrée à l’écriture, mais dans l’ombre de la menace. Jusqu’à cette soirée fatidique.

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Le monde se retrouve ainsi face à toutes les questions posées par l’émergence du terrorisme islamiste. Dans un pays civilisé se réclamant de la liberté d’expression, a-t-on ou non le droit de se moquer des religions ? Pour les islamistes, c’est non. Toute représentation du prophète, quelle qu’elle soit, drôle ou pas, mérite la mort.

Face à une telle vision, on aurait pu espérer un front commun des esprits épris de liberté. On aurait pu espérer que tout le monde se rallierait à une condamnation ferme et claire du discours mortifère qui a laissé tant de cadavres sur le sol, aux quatre coins du monde, sans chercher de circonstances atténuantes ou d’explication pseudo-culturelle.

Le danger reste

C’était sans compter avec le grand vent du relativisme compassionnel qui aboutit à faire de l’islam la religion des pauvres (le roi d’Arabie saoudite en rigole encore) et des islamistes des personnes dont on peut comprendre la logique, à défaut de la justifier.

Salman Rushdie, comme ensuite les caricaturistes de Charlie, fut suspecté d’avoir agité un chiffon rouge sous le mufle du taureau, de ne pas avoir respecté les préceptes religieux de l’islam, et d’en payer le prix. Bref, avec un peu de prudence, de retenue, de doigté, on aurait pu éviter des incompréhensions. Certains tiendront le même raisonnement après le massacre de Charlie, à croire que si les frères Kouachi ne s’étaient pas sentis outragés, ils auraient échangé leurs kalachnikov pour des rameaux d’oliviers et bu un jus d’orange avec Charb et ses potes.

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A défaut de la kalach, Salman Rushdie a eu droit au coup de poignard, sans doute administré par un illuminé se prenant pour un envoyé de Dieu. Les armes changent, le danger reste.