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Le droit d’écrire de Rushdie

jeudi 18 août 2022, par siawi3

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Source : siawi.org

Le droit d’écrire de Rushdie

ÉCRIT PAR FEMINIST DISSENT

15 AOÛT 2022 • 16 h 33

Traduit de l’anglais par Didier Vanhoutte

Alors que Salman Rushdie est à l’hôpital, gravement blessé, Feminist Dissent (« Contestation féministe ») exprime sa tristesse devant l’attaque violente dont il a été victime, ainsi que Ralph Henry Reese, dans l’État de New York le 12 août 2022, lors d’une rencontre organisée sur le droit d’asile pour les écrivains. Nous espérons vivement que Salman se remettra à écrire et retrouvera une vie totalement normale. Nous voulons lui témoigner notre affection et notre solidarité, ainsi qu’à sa famille et à ses amis du monde entier, et à tous ceux dont la vie a également été mise en danger par cette nouvelle menace contre la liberté.

Beaucoup d’entre nous sont fondatrices de Women Against Fundamentalism (WAF – Femmes contre le fondamentalisme) qui a défendu Rushdie à la suite de la fatwa émise par l’ayatollah iranien Khomeiny en 1989 à la suite à la publication de son roman Les Versets sataniques. S’opposant aux manifestations qui ont attaqué Rushdie en l’accusant d’avoir blessé les sentiments des musulmans et qui ont appelé à brûler son livre, WAF a fait valoir que le droit des femmes à la dissidence était profondément lié au droit qu’avait Rushdie d’écrire.

Nous savions alors, comme nous le savons maintenant, que de nombreux appels au meurtre de Rushdie venaient des dirigeants fondamentalistes mêmes qui ont contribué à l’oppression des femmes au sein des communautés. Nous nous sommes exprimées au nom de nos traditions laïques avec la banderole « Notre tradition, la lutte, pas la soumission ».

La WAF s’était également engagée dans une politique antiraciste qui s’opposait à la diabolisation de tous les musulmans en tant que fanatiques, comme elle l’était pour défier le fondamentalisme dans toutes les religions - hindouisme, judaïsme, christianisme, bouddhisme et islam. Elle a dénoncé la façon dont les fondamentalistes exploitaient le pouvoir patriarcal pour contrôler les femmes et les minorités sexuelles.

Malheureusement, les dangers contre lesquels nous avions alors mis en garde sont toujours parmi nous et pourtant, trop souvent, ils ne sont pas compris. Les forces autoritaires et fondamentalistes sont plus fortes que jamais.
Nous ne sommes pas seulement bouleversées par l’attaque contre la vie de Rushdie, nous sommes en colère. Nous sommes en colère contre l’incapacité que partagent la gauche et la droite de prendre position pour la liberté d’expression et de conscience, et de plaider pour l’abolition des lois sur le blasphème et l’apostasie.

Tous ceux qui croient aux valeurs universelles devraient tenir pour responsables des États comme l’Iran, le Pakistan et l’Arabie saoudite qui ont promu la haine, entraîné des miliciens pour attaquer les écrivains et entretenu le concept de blasphème.

Aucun musulman ne devrait être considéré comme responsable des actes d’un autre. En réalité, des personnes d’origine musulmane sont souvent à l’avant-garde des luttes pour le socialisme et la laïcité et contre les lois sur le blasphème, mais trop souvent leurs luttes sont ridiculisées et dévaluées, considérées comme pro-impérialistes ou islamophobes. Nous les soutenons, de même que la lutte pour la laïcité partout.

Nous dénonçons les organisations fondamentalistes musulmanes (y compris celles des pays occidentaux) qui prônent la mort des blasphémateurs tels que les blogueurs athées au Bangladesh, tout en arguant que toute critique à leur encontre est islamophobe. Il faut que nous cessions de les traiter comme des défenseurs des droits de l’homme.

Nous dénonçons vivement les secteurs de la gauche qui considèrent les islamistes comme des alliés anti-impérialistes et attaquent Rushdie comme un larbin de l’Occident. La violence organisée contre les artistes, les écrivains, les féministes et les dissidents libres-penseurs a été élaborée par une politique post-factuelle en soutien à la suppression de « l’offense ». On se souvient du refus de nombreux écrivains de soutenir le prix décerné par leur propre organisation, PEN , aux journalistes assassinés de Charlie Hebdo. En refusant la solidarité, ils ont contribué à créer un monde dans lequel il est possible pour des écrivains ou des enseignants d’être assassinés et que cela fasse à peine sourciller la bonne société.

Salman Rushdie a toujours compris l’importance que revêtait l’opposition à toute forme d’autoritarisme et de fondamentalisme religieux. Il soutient partout les artistes persécutés, des Ukrainiens fuyant la guerre aux blogueurs et dessinateurs assassinés.

En 1989, une quarantaine de femmes de Women Against Fundamentalism ont affronté une immense manifestation fondamentaliste réclamant la mort de Salman Rushdie et l’interdiction de son livre. Nous avons crié « Salman Rushdie Zindabad », et aujourd’hui nous répétons « Longue vie à Salman Rushdie ».