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Belgique : « Désormais, les enseignants attachés à la laïcité sont seuls, vraiment seuls »

mercredi 14 septembre 2022, par siawi3

Source : https://www.marianne.net/agora/humeurs/belgique-desormais-les-enseignants-attaches-a-la-laicite-sont-seuls-vraiment-seuls


Belgique : « Désormais, les enseignants attachés à la laïcité sont seuls, vraiment seuls »

Image : Manifestation à Anvers en 2009 pour protester contre l’interdiction des signes religieux dans le secondaire.
Virginia Mayo/AP/SIPA

L’œil de Marianneke

Par Nadia Geerts

Publié le 12/09/2022 à 11:32

Dans les semaines à venir, un juge sera amené à statuer sur le cas d’une école qui forme des enseignants en Belgique et dont le règlement, qui interdisait le port d’insignes religieux, avait été contesté en justice. Dans ce dossier, la Ville de Bruxelles s’est révélée incapable de soutenir des professeurs en première ligne pour constater les dangers de l’immixtion du religieux à l’école, constate notre chroniqueuse d’outre-Quiévrain, Nadia Geerts.

En novembre 2021, le tribunal de première instance de Bruxelles donnait gain de cause à deux étudiantes qui s’estimaient discriminées par le règlement d’ordre intérieur de la Haute École Francisco Ferrer (HEFF) interdisant aux étudiants « des insignes, des bijoux ou des vêtements qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse ». Alors que la rentrée académique approche à grands pas dans cette école d’enseignement supérieur formant de futurs enseignants, ce règlement est pourtant toujours en ligne, comme si rien n’avait changé. Mais sous un apparent statu quo, le feu couve en réalité.

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Le jugement avait fait grand bruit à l’époque puisqu’il contredisait frontalement l’avis de la Cour constitutionnelle du 4 juin 2020, qui avait quant à lui reconnu le droit à la Haute École Francisco Ferrer d’opter pour une interprétation de la neutralité incluant la neutralité d’apparence. Et la stupeur avait encore redoublé lorsqu’il était devenu patent que le Collège de la Ville de Bruxelles – pouvoir organisateur dont dépend la HEFF – ne ferait pas appel de la décision favorable aux deux étudiantes.

N’imaginant pas capituler devant ce jugement aussi aberrant, une cinquantaine d’enseignants s’étaient donc mobilisés pour introduire un recours en tierce opposition, en cela soutenus par le Centre d’Action Laïque (CAL) et la Haute École Libre de Bruxelles, qui interdit également les signes convictionnels et organise une formation en co-diplomation avec la HEFF.

Se regrouper suivant ses convictions

Les prochaines semaines seront donc décisives, puisqu’un juge sera amené à statuer une nouvelle fois sur une cause qui a déjà été jugée, à la demande de tiers qui s’estiment affectés par le jugement initial et qui n’ont pas été entendus lors de la première procédure. Une procédure qui avait a priori toutes les chances d’aboutir positivement, puisque la décision de la Cour constitutionnelle établissait clairement le droit pour chaque instance compétente de déterminer si l’interdiction des signes convictionnels était ou non indiquée ou nécessaire pour garantir la « reconnaissance et l’appréciation positives de la diversité des opinions et des attitudes » et « l’accent sur les valeurs communes ».

On se serait donc attendus à ce que la Ville de Bruxelles, à défaut d’avoir été à la manœuvre pour protester contre le jugement infamant du tribunal de première instance de Bruxelles, soutienne à tout le moins de son mieux ceux de ses enseignants qui, en première ligne pour constater les dangers de l’immixtion du religieux à l’école, estiment nécessaire de combattre cette dernière par des mesures appropriées. Mais non. Et il se murmure en coulisses que cet ancien fief laïque a reçu du Parti socialiste bruxellois la consigne de ne rien faire. Ce qui est certain en tout cas, c’est que de manière absolument incompréhensible, la Ville de Bruxelles a renoncé à déposer ses conclusions lors des premiers échanges, ce qui lui ferme la possibilité d’en déposer à un stade ultérieur de la procédure.

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Difficile de dire plus clairement à ces enseignants attachés à une conception laïque de l’enseignement que désormais, ils sont seuls, vraiment seuls. En face, des étudiants se réjouissent de cette merveilleuse «  liberté ». Car si le règlement n’a pas encore changé, les signes religieux, eux, s’affichent sans vergogne au sein de la HEFF. Et comme le dit l’un d’entre eux, c’est vraiment bien, parce que ça permet de se repérer, donc de se regrouper plus facilement entre étudiants de mêmes convictions. Un témoignage que la Ville de Bruxelles aurait pu citer pour démontrer la pertinence de son règlement d’ordre intérieur, si seulement elle n’avait pas décidé de se museler elle-même.