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France : « Défendre l’imam Iquioussen au nom de l’État de droit est un non-sens »
samedi 17 septembre 2022, par
« Défendre l’imam Iquioussen au nom de l’État de droit est un non-sens »
Tribune
Par Guylain Chevrier
Publié le 15/09/2022 à 20:00
Dans une tribune publiée dans « Le Monde », de jeunes catholiques, membres du collectif Anastasis, dénoncent l’expulsion de l’imam Iquioussen comme « hypocrite ». Guylain Chevrier, docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant, leur répond.
Dans une tribune, un collectif de catholiques défend le prédicateur Hassan Iquioussen contre la décision d’expulsion qui le vise, validée par le Conseil d’État. C’est le journal LeMonde qui prête ses pages à ce réquisitoire qui soutient une vision bien curieuse de l’État de droit, à grand renfort de citations de la Bible. On passera sur « la puissance libératrice de l’Évangile au niveau individuel mais aussi collectif » qui introduit le propos, pour tenter de convaincre de juger par la foi une affaire qui relève du droit. Immixtion du religieux dans le politique d’un autre temps. On y retrouve quasiment au complet le panel des critiques opposées à cette expulsion, qui révèlent un renversement du sens accordé à la liberté que protège l’État de droit.
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Selon cette tribune, il s’agirait d’une « action hypocrite » parce qu’elle méconnaîtrait volontairement les principes de l’État de droit. La tribune y oppose les droits de « l’étranger », monsieur Iquioussen étant de nationalité marocaine, pour dire qu’en raison de sa présence régulière en France avec sa famille, par-delà même les propos tenus, il devrait être inexpulsable. On invoque pour cela l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui serait une garantie « au respect de sa vie privée et familiale », comme un absolu. Le « trouble à l’ordre public », qui est pourtant inscrit comme limite aux manifestations religieuses dans l’article suivant, est oublié. Mais pour eux, y faire recours est disproportionné. On rappellera que ses enfants sont majeurs.
Propos antisémites
Les déclarations haineuses de l’imam, antisémites et promouvant l’infériorité de la femme (motifs retenus par le Conseil d’État) ne suffiraient donc pas. Des propos tenus « il y a une quinzaine d’années » affirment-ils. Non ! Ils ont été réitérés maintes fois, ce dont atteste, entre autres, le maintien de certaines vidéos du prêcheur mises en ligne, ou encore réalisées en 2021. Ils nous disent que, dans cette affaire, l’« atteinte grave et actuelle à l’ordre public » aurait ici « une nature « immatérielle » » parce que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin fait référence à des valeurs pour le justifier, évoquant la « forte hostilité (du prédicateur) à l’égard des valeurs constitutives des sociétés occidentales, encourageant son auditoire au séparatisme ». Motif écarté par le Conseil d’État.
« On connaît ce double langage des promoteurs d’un islam radical. »
Par-delà « la loi contre le séparatisme », dont la portée exacte revient à ce qu’en dira à l’avenir le juge, n’oublions pas dans ce tableau par exemple, l’organisation d’un dîner caritatif le 24 mai 2019 avec monsieur Iquioussen comme promoteur et animateur, en faveur d’étudiants, futurs oulémas, d’un Centre de formation en Mauritanie, qui a été fermé par les autorités de ce pays, pour extrémisme. Et ce, avec en visioconférence le cheikh mauritanien Dedew, l’un des principaux animateurs de ce centre. Ce dernier explique dans des vidéos postées sur YouTube, comment, étape par étape, parvenir à abattre les « symboles de l’idolâtrie », en utilisant les moyens d’expression de la société démocratique contre elle, sur le mode de la « taqiya ».
Et sur Dorar TV (Soudan), il déclare « que les juifs étaient les ennemis d’Allah et de l’économie et qu’ils utilisaient des moyens détournés pour piller les richesses d’autrui ». Ce qui ne tient en rien de l’immatériel. Ce dîner, qui a fait un tollé, a finalement été annulé. Hassan Iquioussen a parfois pu dire que l’islam était une « religion de paix », et que « détester quelqu’un parce qu’il est juif » était « un péché en islam ». On connaît ce double langage des promoteurs d’un islam radical, qui consiste, pour pouvoir dire le pire, à exprimer le contraire de temps en temps en forme de parade, ce qui ne trompe que les aveugles et ceux qui veulent être trompés.
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Tout cela, pour les signataires du texte, s’inscrit dans « une rhétorique et une politique racistes » visant à « réduire la présence des musulmans dans l’espace public » par « la restriction de leurs libertés publiques ». De quoi s’agit-il encore ? De « la loi confortant le respect des principes de la République », dite « loi contre le séparatisme », désignée comme l’ennemi, qui entame la lutte contre « le communautarisme ». N’existerait-il donc pas ? Et les nombreux rapports qui le considèrent comme le terreau de la radicalisation, ne seraient-ils que fantasmes ?
On parle ensuite d’« attaques contre des associations représentant les intérêts de musulmans », mais de quoi parle-t-on ici ? De ces associations pléthoriques, dites culturelles, qui sont en fait des organisations à caractère religieux (90 % des mosquées ont le statut association loi 1901), qui refusent de s’inscrire dans le cadre des associations cultuelles telle que le prévoit la loi de séparation des Églises et de l’État, s’écartant ainsi de certains contrôles ? On met encore en accusation la « fermeture de lieux de culte », contestant cette nécessité envers des mosquées sous influence islamisme, qui constituent des viviers de radicalisation, où l’antisémitisme n’est jamais bien loin.
Un État identitaire ?
Suit l’accusation d’une « logique du bouc émissaire – à laquelle s’opposent systématiquement la parole et la vie du Christ – (qui) ne résoudra en aucune manière les divisions profondes de la société française et les inégalités qui la fracturent, et dont l’antisémitisme et l’islamophobie sont parmi les manifestations les plus graves ». Effectivement, on ne déjouera pas les divisions que crée l’islamisme avec de tels amalgames. L’islamisme, cet islam politique qui vise à imposer la loi religieuse contre la loi commune, c’est aussi la volonté d’imposer aux autres sa foi et les règles religieuses qui vont avec. Voilà de quoi nous protège l’État laïque avec la liberté de conscience. Encore une fois, il ne faut pas confondre cette dernière qui ne met aucune limite au droit de croire ou de ne pas croire, avec les manifestations d’expression religieuse qui, elles, peuvent rencontrer des limitations, voire des interdits.
« Si les droits dont bénéficient les étrangers relèvent des Droits de l’homme, ils ne sont ni une fin en soi ni un passe-droit. »
L’enseignant à l’école publique se doit à la neutralité convictionnelle, pour que ce qu’il transmet ne se trouve pas sous l’influence de l’affichage d’une opinion ou d’une croyance. C’est cela le respect aussi de la liberté de conscience d’autrui, parce que la liberté de chacun a pour limite la liberté et le libre arbitre des autres. D’autre part, en mettant « l’antisémitisme » et « l’islamophobie » en parallèle, on crée la confusion entre le rejet d’une population en tant que telle, les juifs, ce qui est une des formes du racisme, avec le rejet de toute critique d’une religion assimilé à du racisme, qui est le droit pourtant de tout un chacun. On entend l’écho non loin, du délit de blasphème.
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On met en cause un « « État identitaire », qui ne peut se penser et se maintenir qu’en expulsant des corps étrangers perçus comme inassimilables », comme s’il en allait de purges… Gérald Darmanin a affirmé que « depuis 2017, 786 étrangers radicalisés avaient été expulsés » du territoire national, et que « 74 d’entre eux »l’ont été au cours « des derniers mois ». Des expulsions qui ne concernent qu’une extrême minorité sur les 5 millions d’étrangers qui résident en France, selon les chiffres de 2020. Ce dont il s’agit, c’est de protéger de ce type d’influence néfaste et dangereuse les autres étrangers, et nos concitoyens français de confession musulmane.
« Nous refusons aujourd’hui d’être embarqués dans une « guerre de civilisation » qui ne dit pas son nom » est-il dit en conclusion de la tribune du Monde. On tente encore de détourner le sujet pour en faire une affaire de discrimination religieuse. S’il y a « une guerre », c’est celle que mènent ceux qui poussent à la radicalisation par leurs discours de haine, et que reflètent ces attentats qui ont ensanglanté le pays, alors que l’on apprend par le ministre de l’Intérieur que six ont été déjoués depuis l’année dernière.
Si « les droits dont bénéficient les étrangers » relèvent des Droits de l’homme, ils ne sont ni une fin en soi ni un passe-droit. Ils impliquent de respecter les principes fondamentaux sur lesquels ils reposent. C’est-à-dire, la démocratie, la liberté de tous, contre les abus de liberté de certains qui visent, en utilisant nos principes démocratiques, à tout faire pour les détruire. Cette mesure d’expulsion renforce donc l’État de droit. La liberté, on l’oublie, est une responsabilité commune qui comprend aussi des devoirs. C’est ainsi que notre contrat social peut nous permettre de vivre ensemble avec nos singularités, dans la paix et la fraternité.
Par Guylain Chevrier