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« Il faut faire de la résistance face aux transactivistes, aux pro-prostitution et aux pro-voile »

mercredi 21 septembre 2022, par siawi3

Source : https://charliehebdo.fr/2022/03/societe/feminisme/feminisme-il-faut-faire-de-la-resistance-face-aux-transactivistes-aux-pro-prostitution-et-aux-pro-voile/

Florence Montreynaud : « Il faut faire de la résistance face aux transactivistes, aux pro-prostitution et aux pro-voile »

Natacha Devanda

Mis en ligne le 9 mars 2022

Le féminisme, combien de divisions ? C’est pour contrer cette tendance à la scission que des féministes ont décidé d’organiser la résistance en publiant le manifeste du Front féministe, Liberté Égalité Féminisme. Parmi elles, Florence Montreynaud. Cette historienne, féministe engagée depuis 1971, est aussi la co-fondatrice des Chiennes de garde puis du réseau Encore féministes ! et de Zéromacho. Elle explique à Charlie l’importance d’oser se positionner clairement sur des sujets clivants comme la prostitution, les transactivistes, le voile... De quoi en décoiffer certains.

Charlie Hebdo : Le mouvement féministe est ouvertement dispersé. Comment est venue l’idée de le mettre en ordre de bataille dans ce Front féministe et de baptiser ainsi votre manifeste  ?

Florence Montreynaud  : « Ordre de bataille », « Front »… Vous reprenez un vocabulaire militaire que je n’emploie jamais… enfin que je n’employais jamais  ! Car aujourd’hui, la situation est grave et j’estime qu’il faut entrer en résistance. Le 7 mars 2021, j’ai été agressée lors du rassemblement à Paris pour la Journée internationale des femmes. De jeunes activistes antifa m’ont traitée de « facho », de « putophobe » et de « transphobe », ainsi que des survivantes de la prostitution, et ils nous ont bombardées avec des œufs. Cette violence physique faisait suite à des années de menaces dirigées contre celles qui, comme moi, luttent contre la prostitution ou estiment que le transactivisme nuit à la cause féministe. Ces jeunes venaient casser de « l’abolo » (abolitionniste de la prostitution, ndlr).

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Des associations de cinq pays sont déjà signataires de ce Front féministe. Cela veut-il dire que la fragmentation du mouvement féministe est la même partout  ?

Cela veut d’abord dire que le féminisme est un mouvement révolutionnaire et internationaliste. Il n’y a pas de frontières pour les féministes. Ceci dit, il est vrai que cela fait des années que la situation se détériore dans de nombreux pays. Entre les attaques de l’extrême droite, des religieux et celles des extrémistes qui se veulent ultra-progressistes, les temps sont dangereux pour les femmes. Mes amies québecoises et espagnoles me mettent en garde et me disent : « Attention, la violence des transactivistes va arriver chez vous. » Que les choses soient claires, ce ne sont pas les trans qui sont en cause ici mais les transactivistes. Souvent, ce sont de jeunes militants qui épousent ce combat qui leur semble être transgressif. Mais leur extrémisme sape des années de féminisme. C’est un danger pour le féminisme et, au-delà, pour les droits des femmes. Leurs attaques sont massives mais heureusement la résistance s’organise. Le phénomène #MeToo est passé par là et on est nombreuses à vouloir faire reconnaître les droits des femmes. D’où l’idée de s’unir sur des principes et de sortir du bois pour s’affirmer. Depuis le temps que j’use de diplomatie pour garder des contacts avec tout le monde, là je me suis dit : « Il est temps d’affirmer clairement nos principes. » Oui, il faut faire de la résistance face aux transactivistes, aux proxénètes, aux pro-prostitution et aux pro-voile. On a fait la liste de tous les sujets qui clivent, qui fâchent. Et c’est très concret. Je rentre de Lyon où je suis allée pour une conférence et j’apprends que le mouvement des colleuses qui revendique des droits pour les femmes et lutte contre les féminicides a éclaté en deux, un des groupes faisant maintenant des collages « Mon voile, mon choix ». À qui profite cette division, sinon aux machos qui se frottent les mains  ?

Par rapport à ces mouvements qui se prétendent féministes, l’idée c’est de réaffirmer des principes universels  ?

Des principes de base. On sait qu’on va au devant d’une shitstorm sur les réseaux. On prend aussi des risques physiques car les transactivistes peuvent être violents. En tout cas, ils font des dégâts considérables dans le mouvement féministe qui n’a pas besoin de ça. Et si les hommes trans (des femmes devenues des hommes, ndlr) ne font pas parler d’eux et se coulent dans le moule des dominants, une partie des femmes trans reprennent avec outrance tous les codes ringards de la bimbo : cette caricature de femme apprêtée. Tout ce que nous les féministes révolutionnaires, réfutons depuis plus de 50 ans. Dans les années 1970 déjà, on savait que le temps passé à se regarder dans le miroir, c’est autant de temps perdu pour faire la révolution (rires) ou au moins faire bouger les mentalités. Leur nombrilisme, c’est l’inverse de la politique et du sens du collectif.

Qui y a-t-il derrière cette guerre des mots… voire de leur effacement  ?

La guerre des idées tout simplement. Les attaques contre J.K Rowling, l’autrice de la série d’Harry Potter, qui avait osé ironiser sur l’expression « les personnes qui ont leurs règles », auront été un déclencheur. Certains voudraient effacer le mot « femme » et le concept de sexe. Et malheureusement, ils y parviennent parfois. Par exemple, le Planning familial a évolué vers un soutien à la prostitution et au transactivisme. Il valide l’idée absurde que le sexe serait « assigné » à la naissance, alors que le sexe est constaté, que c’est un fait objectif.

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C’est donc lesdites « féministes intersectionnelles » que vous dénoncez  ?

« Intersectionnel » est un nom à la mode mais le féminisme pratique depuis toujours l’intersectionnalité des luttes. Nous dénonçons l’oppression de sexe et de classes. Nous défendons les femmes opprimées, pauvres, victimes de racisme, d’homophobie, d’âgisme, etc.. Mais nos batailles à nous sont politiques. Ce n’est pas un problème de mal-être individuel que l’on voudrait imposer à tous. C’est flagrant avec la GPA par exemple. On part du désir frustré d’enfant – qui ne crée pas un droit à l’enfant – pour tenter d’imposer la GPA dont l’enjeu est on ne peut plus politique et on veut faire passer ça pour de l’éthique. Moi, je croirai à la GPA éthique lorsqu’une femme riche portera un enfant pour sa femme de ménage  ! De même, il me semble que la figure de la femme trans (un homme devenu une femme, ndlr) est la figure à la mode. C’est celle du héros du XXIe siècle. On a eu le prolétaire dans les années 60–70, désormais pour les activistes, l’opprimée absolue, la personne qu’il faudrait défendre contre les méchantes féministes et les lesbiennes, c’est la femme trans. Plus généralement, je dirais qu’il y a autant de danger qui guettent les femmes qu’il y a de paragraphes dans notre manifeste. Sur tous les points que nous soulevons des groupes de pressions sont très forts et phagocytent des associations jusqu’alors formidables comme le Planning familial ou Amnesty international qui est devenue pro-prostitution.

De quoi être désespérée non  ?

Non, car je reste une optimiste. La période est grave mais j’espère bien vivre assez vieille pour voir cette mode passer. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du féminisme quelque chose d’aussi grave que l’effacement du mot « femme » mais aussi des droits des femmes car quand on met des femmes trans dans les compétitions sportives réservées aux femmes, elles raflent toutes les médailles. Au Québec, j’ai été alertée par des camarades, des femmes trans sont mises en prison avec des femmes et à force de voir des grossesses en prison on découvre qu’il y a des viols de femmes par ces trans. On marche sur la tête. Mais le mouvement #MeToo me donne beaucoup d’espoir, car il y a des millions de femmes dans le monde qui se sont levées. Je reçois déjà beaucoup de marques d’intérêt pour ce manifeste du Front féministe et notamment de jeunes qui se disent enfin quelque chose est fait pour qu’on se rassemble.

Cela n’a pas dû être évident de rédiger ce texte unitaire…

Je vous le confirme. Il aura fallu deux mois de travail intense pour rassembler 38 associations, des litres de sueur et des montagnes de papier pour arriver à un texte commun. Les féministes, c’est bien connu, ça pinaille  ! Et tant mieux, car les mots ont un sens. Ce travail en amont aura aussi été une belle expérience de démocratie. Désormais, le manifeste du Front féministe, Liberté Égalité Féminisme, est ouvert à la signature de toutes les associations et groupes qui partagent nos valeurs, nos engagements clairs et nets et sont prêts à contrer pacifiquement mais sans relâche ceux qui, sous prétexte d’être plus progressistes que les progressistes, remettent en cause des décennies de lutte pour les droits des femmes. ●

Propos recueillis par Natacha Devanda