Accueil > impact on women / resistance > Iran : Mahda Amini est morte
Iran : Mahda Amini est morte
vendredi 23 septembre 2022, par
Mahda Amini est morte
Publié le 23 septembre 2022
par Nadia Geerts
Cette Iranienne de 22 ans est morte après avoir été brutalement arrêtée par la police des mœurs de Téhéran parce qu’elle portait « mal » son voile obligatoire. Et depuis, les vidéos de femmes ôtant et brûlant leur voile en public se multiplient, pendant que se joue une énième resucée du désormais classique débat : Peut-on s’opposer au voile obligatoire là-bas et défiler en scandant « Mon voile, ma liberté ! » ici ?
Pour sortir de ce qui semble bien être un dialogue de sourd, il est important de préciser deux ou trois petites choses qui, en réalité, sont loin d’être des détails.
En premier lieu, que personne ne prétend interdire aux femmes qui le souhaitent de porter le voile. Si des théocraties islamiques telles que l’Iran font du voile un absolu, nos démocraties libérales se fondent quant à elles sur la recherche d’un difficile équilibre entre la liberté de culte et d’autres libertés fondamentales. En conséquence de quoi le port du voile est très généralement autorisé, son interdiction n’étant considérée comme légitime que dans le cadre scolaire ou pour les agents de l’État. Et si ailleurs, des femmes meurent de ne pas (ou de mal) le porter, aucune ne meurt ici de le porter.
En second lieu, que s’il est bien sûr loisible aux musulmanes d’ici de décider de porter le voile islamique, cela ne fait en rien de ce voile un symbole de liberté. Ce serait le cas s’il s’agissait, conformément à un discours qui a le vent en poupe, d’un simple bout de tissu sans signification intrinsèque. Mais les Algériennes, Afghanes, Iraniennes et autres Égyptiennes qui, avant la montée en puissance de l’islam fréro-salafiste, vivaient tête nue, se baladaient en jupe et se baignaient en maillot de bain, sont là pour nous rappeler que le voile n’est ni un habit traditionnel, ni une obligation religieuse, ni encore moins un accessoire de mode que l’on revêt ou enlève au gré de son humeur. Le voile est un outil de pénétration de ce qu’Abdelawahab Meddeb appelait « la maladie de l’islam ».
Ceux qui présentent le voile comme un innocent colifichet n’ont fait qu’adopter le langage de la modernité. Les références au droit de disposer de son corps et à l’émancipation féminine ne devraient tromper personne : en vérité, choisir de porter le voile, c’est choisir de valider, consciemment ou non, un discours politico-religieux relatif aux obligations spécifiques qui incombent à la femme musulmane. Rien de plus éloigné de l’authentique liberté : tout au plus peut-on parler d’adhésion, ou mieux encore : de servitude volontaire, pour reprendre le magistral concept développé par Etienne de la Boétie en 1576…
Oui, porter le voile est permis en Belgique, en France et ailleurs en Occident. Et cela seul devrait faire voir à quel point tout parallèle avec l’Iran est indécent. Tout comme est indécente la persistance de certains à y voir une « liberté » à défendre. Un symbole d’oppression ne devient pas, par une mystérieuse opération d’un quelconque saint esprit, un symbole de liberté en franchissant la méditerranée.
En ce moment-même, des milliers d’Iraniennes nous crient « Vive la liberté ! ». Sachons entendre leur cri.