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France : Femmes dévoilées en Iran, femmes voilées en France : l’indécent parallèle du député Louis Boyard

vendredi 23 septembre 2022, par siawi3

Source : https://www.marianne.net/agora/humeurs/femmes-devoilees-en-iran-femmes-voilees-en-france-lindecent-parallele-du-depute-louis-boyard

Femmes dévoilées en Iran, femmes voilées en France : l’indécent parallèle du député Louis Boyard

Par Jean-Loup Adenor

Publié le 22/09/2022 à 18:30

Les manifestations qui ont lieu en Iran contre le voilement obligatoire des femmes ont provoqué des vagues de soutien en Occident. Mais à la France insoumise, il se trouve un député pour placer un signe égal entre le combat des Iraniennes contre le voile et des musulmanes voilées en France.

Il n’a honte de rien, ce Louis Boyard. Depuis dimanche, l’Iran est traversé par une vague de mobilisations après la mort de Mahsa Amini, 22 ans, tuée lors d’une interpellation par la police des mœurs à Téhéran. Cette jeune Iranienne a été arrêtée mardi 13 septembre par cette unité spéciale chargée d’appliquer les règles vestimentaires strictes pour les femmes, dont le port obligatoire du foulard en public. Selon cette police, la jeune femme, qui portait pourtant son voile, l’aurait « mal mis ». Deux heures après son arrestation, elle perd connaissance dans le commissariat. Hospitalisée, elle meurt trois jours plus tard. Dans le pays, l’émotion est intense ; à Téhéran et au Kurdistan iranien, des mobilisations spontanées s’organisent. Un seul mot d’ordre : liberté.

Dans le même temps en Occident, Iraniens exilés, militants pour les libertés individuelles, laïques et féministes ont apporté leur soutien au peuple iranien. Mais en France, un jeune élu de la Nupes s’est distingué. Louis Boyard, député La France insoumise du Val-de-Marne, a presque réussi à faire illusion en déclarant : « Après la mort de #MashaAmini, la jeunesse Iranienne se soulève. Il faut les soutenir. » Un début de message qui a toutes les apparences de la sincérité.

Iran, Occident, même combat

Mais la suite de sa prose se gâte : « Partout où des hommes cherchent à imposer aux femmes ce qu’elles doivent porter ou non, ce qu’elles doivent faire ou non, ils trouveront des révoltes pour la liberté. » Comprenez ce qu’il n’a pas le courage de formuler plus clairement : voile obligatoire en Iran, ou critique du port du voile en Occident… même combat.

Mais pourquoi Louis Boyard ne peut-il pas se contenter de soutenir les femmes iraniennes ? Pourquoi place-t-il sur le même plan la violence d’un régime théocratique qui emprisonne et tue celles qui ne se soumettent pas et une menace fantasmée qui planerait sur les femmes voilées en France ? Existe-t-il ici une police de la laïcité qui enlèverait, battrait et tuerait des femmes parce qu’elles portent le voile ? Non, juste un principe forgé depuis 1905 : protéger l’État, ses services et ses écoles de toute manifestation religieuse ostentatoire.En France, les femmes musulmanes sont libres de porter le voile dans l’espace public.

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Mais alors de quoi parle-t-il ? Trois heures plus tard, Louis Boyard précise sa pensée. Alors qu’Éric Zemmour, candidat du parti d’extrême droite Reconquête, évoque lui aussi la situation iranienne le jeune député l’apostrophe, déclarant qu’il n’y a « aucune différence entre un Zemmour qui se bat pour arracher le voile des femmes, et les dirigeants Iraniens qui se battent pour le leur imposer ». On apprend donc qu’entre la théocratie iranienne, qui pèse drastiquement, concrètement, actuellement sur les libertés individuelles des Iraniens depuis 43 ans, et le candidat Éric Zemmour à la présidentielle, fort de zéro député et de 7 % des voix, il n’y a « aucune différence ». Qui des loups dans Paris ou des camionnettes blanches de la police française anti-voile arriveront en premier ?

Plutôt que de tweeter à tout-va, Louis Boyard devrait écouter celles qui savent de quoi elles parlent. Des femmes, iraniennes ou de culture arabo-musulmane, des militantes qui connaissent et combattent l’oppression religieuse qui pèse sur leur corps. Au premier rang : Masih Alinejad, une Iranienne exilée aux États-Unis qui combat farouchement la théocratie de Téhéran. Interrogée par Marianne en janvier dernier, elle confiait avoir été surprise lorsque, arrivée aux États-Unis, la gauche libérale lui a recommandé de ne pas trop en faire sur la question du voile islamique, de peur qu’elle ne « nourrisse l’islamophobie ».
Idéologie… ou clientélisme ?

« Ici, les élues ne veulent pas prendre position. Un exemple frappant : en Occident, vous avez le « World Hijab day », qui consiste à promouvoir la liberté des femmes de porter le hijab. Mais une initiative inverse pourrait-elle être envisagée ? » Masih Alinejad a contacté les militants à l’origine de cette journée, leur proposant de se joindre à sa campagne contre le voilement forcé : « Ils m’ont tout simplement bloquée. » Peut-être Louis Boyard aura-t-il, lui, le courage de s’engager sur cette cause, ce « Jour sans hijab » que ne renieraient pas toutes ces jeunes Iraniennes qui manifestent aujourd’hui au péril de leur vie ?

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En estimant que, sur cette question du voile, l’important c’est la « liberté », dans son acception la plus creuse, Louis Boyard trahit donc celles-là mêmes qu’il imagine défendre. Et soutient ceux qui ont compris que le voilement des femmes est l’outil politique le plus efficace pour rendre acceptable une vision ultra-conservatrice de l’islam, loin d’être partagée par tous les musulmans. En un tweet, Louis Boyard contribue à renforcer l’amalgame selon lequel l’islam, c’est le voile, et selon lequel sa critique ne peut être motivée que par la détestation de l’islam et donc des musulmans. Un sophisme partagé par une partie de la gauche particulièrement active au sein de la Nupes, tantôt pour des raisons idéologiques, tantôt pour des calculs clientélistes. Pas de chance pour lui, cette fois-ci, il est le seul à ne pas avoir saisi l’indécence de le tweeter.