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Justice : les chiens s’invitent à la barre

mardi 27 septembre 2022, par siawi3

Source : https://charliehebdo.fr/2022/09/societe/justice/justice-les-chiens-sinvitent-a-la-barre/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=QUOTIDIENNE%2027092022%20-%20NON%20ABONNES&utm_medium=email

Cause animale
Justice : les chiens s’invitent à la barre

Allain Bougrain-Dubourg

Mis en ligne le 27 septembre 2022

« Entre le chien et son maître, il n’y a qu’un saut de puce », plaisantait l’écrivain Jules Renard. Il ne croyait pas si bien dire.

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Depuis quelques belles décennies, la science confirme une proximité insoupçonnée entre l’Homme et le chien. Les progrès de l’imagerie cérébrale ont notamment révélé des « neurones miroirs ». « Cela signifie que des régions similaires du cerveau sont activées chez l’acteur et l’observateur », explique Anne Vonesch dans L’empathie racontée au monde de l’élevage (éditons Thème Sensible). Ce qui est vrai entre humain peut l’être avec un chien, résume la chercheuse qui précise : « un chien réagit instantanément au stress de son maître. Beaucoup de chiens montrent un comportement de sollicitude lorsque le maître est triste ».

Ce constat s’est vérifié au Tribunal Correctionnel de Marseille lors du procès de l’accident du car scolaire de Millas qui fit six morts et dix-sept blessés. Ouchi, un golden retriever allant vers sa quatrième année, est au côté d’une adolescente témoignant péniblement du drame dont elle fut victime. Plongeant les mains dans la fourrure du chien, elle trouve enfin la force de s’exprimer. Nadine Oliveira, la prévenue, a également droit à une assistance canine. C’est Rancho, un labrador noir qui lui a été confié. Lui aussi prend sa part de douleur pour soulager l’accusée.

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Céline Ballerini, présidente du Tribunal Correctionnel de Marseille, a accepté le principe d’un accompagnement canin au bénéfice des victimes, comme de la mise en cause. C’est une première « qui ne peut être considérée comme un gadget », précise-t-elle en soulignant : « qu’il s’agit là de vous permettre de supporter la charge émotionnelle de ce procès ».

Si le principe de « chien d’assistance judiciaire » est né en Amérique du Nord, il est désormais admis en France. Jérôme Moreau, vice-président de la Fédération France Victimes n’a pas manqué de soutenir publiquement la démarche : « Le chien baisse le stress, le rythme cardiaque, il est donc un facilitateur de témoignage ». Reste à savoir comment certains chiens parviennent à établir une telle communion thérapeutique.

C’est le triomphe de la domestication, répondent certains chercheurs qui considèrent que les quelque 10 000 ans de collaboration ont immanquablement généré une complicité. Voulant en savoir davantage, des biologistes de l’Université de Porto, au Portugal, ont suggéré que l’empathie chez le chien s’expliquait par trois raisons. Tout d’abord l’origine du chien est le loup, animal social, attentif aux autres. Deuxièmement, les milliers d’années de domestication ont inévitablement généré des liens de proximité synchronisant les capacités d’empathie. Troisièmement, la sélection des races conduisant à l’élaboration de tâches de plus en plus complexes avec l’homme a favorisé le rapprochement. Le biologiste américain Edward Osborne Wilson confirme que l’aventure commune avec le chien se révèle soulageant, « Regarder les yeux d’un chien permet à notre cerveau de produire de l’ocytocine, l’hormone de la tendresse, de l’attention et de l’affiliation ».

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Plus près de nous, le refuge normand de l’AVA (Agir pour la Vie Animale) accueille depuis plus de deux ans des patients qui souffrent de stress post-traumatique suite au drame du 13 novembre 2015, à des dérives sexuelles et à bien d’autres blessures physiques et psychologiques. Élisa Gorins, en charge de la communication d’AVA a accompagné cette initiative : « C’est avec l’Institut de Victimologie de Paris que nous avons tenté l’expérience en accueillant, chaque semaine, pendant 6 mois les personnes traumatisées. Nous voulions savoir si les humains qui avaient souffert pouvaient se reconstruire avec des chiens qui eux aussi avaient été victimes. L’effet miroir a fonctionné au-delà des espérances. » Une promenade à deux, un câlin, le brossage de la fourrure ont été autant de relais pour conduire à une émouvante complicité. « Certains patients ne parlaient plus, ils se sont remis à communiquer. D’autres ont abandonné une canne, dont ils n’avaient du reste pas besoin, mais qui les rassurait et le plus étonnant c’est que les chiens se sont synchronisés. Eux aussi ont retrouvé la joie de vivre. », précise Élisa Gorins. Stanley Coren, professeur à l’Université de British Columbia (Canada) y voit un autre avantage : « Le plus incroyable, c’est qu’il ne faut pas plus de 5 à 25 minutes d’interaction avec un chien pour que les effets antistress se fassent sentir. Je n’en dirais pas autant des médicaments du type Prozac. »

Du côté de Neuilly-sur-Seine, Thierry Bedossa, vétérinaire comportementaliste, ancien attaché de consultations à l’École Vétérinaire de Maison-Alfort, président d’AVA, parle de « contagion émotionnelle » en constatant que « des chiens en consultation adoptent un comportement empathique tant auprès de leur propriétaire que d’autres chiens. Si un humain se met à pleurer un chien peut hurler à la mort ou, au contraire, tenter de le réconforter en se collant à lui ou en le léchant. » Pour autant, Thierry Bedossa met en garde contre les dérives : « Les chiens se donnent pleinement, ça n’est pas sans conséquence. Il faut qu’ils aient une qualité de vie optimale pour encaisser les émotions. » Jean Decety, professeur à l’Université de Chicago, confirme : « Il existe une pathologie très particulière de l’empathie : la trop grande empathie. »

Avis aux éducateurs de chiens d’assistance judiciaire qui souhaitent développer la nouvelle discipline… •