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Belgique : « primat de la loi civile sur la loi religieuse »
Book presentation
mercredi 28 septembre 2022, par
La Belgique face aux religions : on a lu « Neutralité ou laïcité » de Nadia Geerts
Recension
Par Hadrien Brachet
Publié le 27/09/2022 à 6:00
Dans « Neutralité ou laïcité », notre collaboratrice Nadia Geerts décrypte le rapport spécifique entre l’État belge et les religions. Un modèle à mi-chemin, selon la militante laïque, entre « multiculturalisme à l’anglo-saxonne » et « laïcité à la française ».
« La Belgique hésite ». Voilà le sous-titre – et le point de départ – du tout nouvel ouvrage de Nadia Geerts. Dans Neutralité ou laïcité*, notre collaboratrice analyse avec précision les tiraillements de nos voisins quant au rapport entre l’État et les religions. L’occasion d’une réflexion philosophique sur la laïcité et sur les conséquences sociétales de ses différentes conceptions. Éclairant.
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Le livre s’ouvre par une brève histoire de la naissance du modèle belge, fruit d’un compromis entre libéraux et catholiques. Un système « hybride » ou « mixte », à mi-chemin entre « multiculturalisme à l’anglo-saxonne » et « laïcité à la française », marqué par de nombreuses « hésitations ». Ainsi, « les signes convictionnels sont exclus des bâtiments publics » en Belgique, rappelle Nadia Geerts mais « l’école officielle dispense des cours de diverses religions ». De même, si la Constitution consacre selon la militante laïque « l’indépendance des cultes vis-à-vis de l’État », celui-ci assure leur financement, y compris celui de la « laïcité philosophique ».
Ambiguïtés des partis politiques
Des paradoxes qui ne manquent pas de ressurgir à l’heure où la question du rapport entre religions et État, que l’on croyait apaisée, travaille à nouveau la société belge, notamment sous l’essor d’un islam politique. Menant à d’interminables débats sur les signes convictionnels ou l’enseignement privé, qui révèlent que la Belgique n’a toujours pas tranché entre un État neutre qui « se borne à veiller à ce que toutes les familles convictionnelles soient traitées à égalité » et un État laïque qui « ajoute à cette exigence minimale celle de garantir la stricte indépendance réciproque du religieux et du politique ».
Nadia Geerts, dont on doit préciser qu’elle contribué au Centre d’études du Mouvement réformateur, parti belge de centre-droit, décortique ensuite les positions des différents mouvements politiques et leurs évolutions. Sans concessions pour les ambiguïtés des uns et des autres, entre la confusion d’une partie de la gauche, perméable au discours de certains tenants de l’islam politique, et la focalisation de l’extrême droite sur l’islam, quitte à outrepasser l’État de droit.
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Au-delà du choix des termes à employer – laïcité ou neutralité – qui d’un interlocuteur à l’autre peuvent recouvrir des modèles bien différents, Nadia Geerts plaide pour l’affirmation claire de certains principes, comme le « primat de la loi civile sur la loi religieuse » ou « la mission émancipatrice de l’école ». Un bon point de départ et des pistes qui mériteraient d’être affinées, pour bâtir concrètement un modèle qui garantit la liberté de culte tout en protégeant les individus des intégrismes. Et apporter des solutions à l’interrogation quasi métaphysique et inextricable qui traverse la Belgique tout comme bon nombre de sociétés occidentales : « les différences doivent-elles ou non primer sur notre commune humanité ? »
*Nadia Geerts, Neutralité ou laïcité. La Belgique hésite, Luc Pire, 142 p., 16 €.