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France : Relativisme sur le voile - Sexiste en Iran, choisi en France 

mercredi 5 octobre 2022, par siawi3

Source : https://www.marianne.net/politique/ecolos/sexiste-en-iran-choisi-en-france-sur-le-voile-sandrine-rousseau-setale?utm_source=nl_quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=20221003&xtor=EPR-1&_ope=eyJndWlkIjoiZWU1YTU1MWQyNmQzMmYxMmE0MzMyZDY4NmJjYmFiMmUifQ%3D%3D

Sexiste en Iran, choisi en France : sur le voile, Sandrine Rousseau s’étale

Relativisme

Par Louis Nadau

Publié le 03/10/2022 à 17:38

Comment l’instrument d’aliénation rejeté par les unes pourrait-il devenir une matérialisation de l’autonomie des autres ? Invitée de France Inter ce lundi 3 octobre, la députée écologiste de Paris a d’abord répondu à cette équation par l’esquive, puis par le flou idéologique.

Ne tentez pas cet exercice sans un bon échauffement des ischio-jambiers. Invitée de France Inter ce lundi 3 octobre, Sandrine Rousseau, députée écologiste de Paris, s’est livrée à un périlleux grand écart politique : soutenir les Iraniennes dans leur lutte pour s’émanciper du carcan théocratique, symbolisé par le rejet du voile islamique, tout en se battant pour la liberté des femmes de porter ce même voile en France. L’équation se pose en des termes difficiles à concilier : comment l’instrument d’aliénation rejeté par les unes pourrait-il devenir une matérialisation de l’autonomie des autres ?

L’aporie dans laquelle se trouve la militante éco-féministe lorsqu’il s’agit de répondre à cette question épineuse semble lui avoir valu quelques sifflets lors d’une manifestation de soutien aux Iraniennes ce dimanche à Paris, puis une séance de contorsions le lendemain à l’antenne de la radio publique. « Extrêmement respectueuse et impressionnée par le combat que mènent les Iraniennes », Sandrine Rousseau a d’abord tenté d’utiliser l’une de ses bottes secrètes pour expliquer les huées subies la veille : faire passer une critique formulée à son encontre pour une attaque misogyne.

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« Ce qui s’est passé hier, c’est que les trois femmes de gauche qui ont parlé, c’est-à-dire Manon Aubry, mais aussi Laurence Rossignol et moi-même, avons été sifflées, assure-t-elle. Je me pose la question : pourquoi dans une manifestation en soutien des femmes, les femmes sont-elles sifflées ? » Étrange conception de la politique, dans laquelle le genre d’un individu semble compter davantage que ses idées ou ses propos. Et l’écologiste d’ajouter : « Il y a eu quelques sifflets pour Olivier Faure et c’est extrêmement faible par rapport à ce qui s’est passé sur Manon Aubry, Laurence Rossignol et moi. Je me demande quelles étaient les intentions des manifestants en sifflant ces femmes. »

Pas de chance : Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise, conteste formellement avoir été visée par des sifflets. « Je viens d’entendre Sandrine Rousseau, prétendre que j’aurais (comme elle) été sifflée au rassemblement Iran. C’est faux ! Et cette vidéo en témoigne ! Ne lui déplaise, j’ai même recueilli des applaudissements », a-t-elle tweeté. S’en suit une bataille de tweets dont l’enjeu – quel responsable politique a été le plus sifflé – laisse rêveur. Toujours est-il que l’argument selon lequel les femmes auraient été systématiquement conspuées ressemble à s’y méprendre à une diversion.

Ce qui n’empêche pas Sandrine Rousseau de considérer que « le féminisme est bien quand il est loin, et que finalement quand il est en France, il est moins acceptable ». Hélas, le même argument ne semble pas s’appliquer à la lutte contre l’aliénation par la religion, que la gauche représentée par Sandrine Rousseau assimile volontiers à une discrimination à l’encontre des musulmanes, dont on voudrait entraver les libertés parce qu’elles sont femmes. Les propos passés de l’écologiste, rappelés à l’antenne par Léa Salamé, vont en ce sens.

« Ça me désespère que le corps des femmes et la manière dont elles habillent leur corps soient encore un sujet. (…) On parle de cela sans ces femmes. C’est une invisibilisation à un degré qui défie l’entendement. Il y a plein de motivations pour porter un voile, et il y en a qui portent des voiles qui sont juste un embellissement en fait », affirmait-elle sur LCP le 4 novembre 2021.

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Interrogée sur une campagne de communication du Conseil de l’Europe promouvant la liberté de porter le hijab, elle ajoutait : « L’idée est de dire qu’on peut porter ce que l’on veut en Europe. Moi je trouve que c’est un beau message. Après je suis d’accord pour dire que les trois grandes religions ont ceci de commun qu’elles veulent contrôler le corps des femmes, et que oui, les religions sont patriarcales. Pour autant, à chaque fois qu’on parle du corps des femmes, à chaque fois qu’on parle de la manière dont on doit l’habiller, on sert le patriarcat, vraiment. » Lutter contre un symbole du patriarcat reviendrait ainsi à priver les femmes de la liberté de s’aliéner à ce patriarcat. Suivant cette logique, la légitimité accordée au messager – un homme, ou plus simplement autrui – prime donc sur la pertinence du message.

Videoici 5:51 Campagne polémique du Conseil de l’Europe : « Elle brasse les éléments de communication girly et les éléments de langage des islamistes », estime Farida Agag Boudjahlat, « la religion ce n’est pas l’identité irréductible des femmes, la religion est un choix. »

Sandrine Rousseau maintient-elle cette analyse à l’heure où Iraniennes et Iraniens meurent parce qu’ils se révoltent contre un ordre dont le voilement forcé est le symbole ? « Il y a des youtubeuses qui travaillent sur la manière de mettre les voiles pour que ça soit beau. En tout cas je ne veux pas rentrer là-dedans », balbutie d’abord l’écologiste. Avant de se reprendre en expliquant : « Ce que je veux dire, c’est que quand bien même on considère le voile comme une forme d’asservissement – et moi je considère que le voile est un vêtement sexiste, donc je n’ai pas de problème avec ça – s’adresser, dans le cadre de la domination masculine, aux opprimées plutôt qu’aux oppresseurs, c’est une erreur. C’est toujours une erreur. » La logique de l’éco-féministe est ici difficile à suivre : comment les femmes portant le voile peuvent-elles être « opprimées », si le port du voile est le résultat de l’exercice de leur liberté ?

Le brouillard idéologique s’épaissit encore lorsque Sandrine Rousseau ajoute : « Les femmes iraniennes demandent à être libres de s’habiller comme elles le souhaitent. Ce que l’on doit poser dans le débat politique à mon sens, c’est la liberté des femmes, la liberté, l’immense liberté des femmes, et le fait que la colère contre les contraintes et les assignations des femmes peut devenir révolution, on le voit en Iran. Ce que je veux dire par là, c’est que la liberté de s’habiller comme on veut, elle est valable en Iran comme en France. »

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Passons sur les quelques différences omises par Sandrine Rousseau entre la liberté de s’habiller selon son bon plaisir telle qu’elle se pratique en France et en Iran : la tradition intellectuelle de gauche visant à identifier les déterminismes sociaux et les contraintes intériorisées par les individus pour mieux s’en affranchir est passée par-dessus bord. Lorsqu’il s’agit du choix des femmes musulmanes, ces dernières semblent jouir d’une liberté pure et parfaite. Et tant pis si celle-ci engendre deux phénomènes diamétralement opposés en Iran et en France, à savoir le rejet ou l’adoption du voile. Trop fortes, ces sorcières…

Par Louis Nadau