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France : Mort de Samuel Paty : Lutte contre l’islamisme, défense de la laïcité, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
vendredi 14 octobre 2022, par
Mort de Samuel Paty : Lutte contre l’islamisme, défense de la laïcité, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?
Par Guillaume Tabard
Publié le 14/10/2022 à 09:43 | Modifié le 14/10/2022 à 09:44
Il y a deux ans, Samuel Paty était assassiné, un drame qui provoqua une volonté de lutter clairement contre l’islamisme. Dire que rien ne s’est passé serait mensonger, mais dire que la pression islamiste et les menaces qui en découlent ont reculé, serait s’illusionner. Où en est-on aujourd’hui ?
Un lycée d’Evry-Courcouronnes a reçu cette lettre : « votre prof d’histoire-géo, le sale juif, doit arrêter de faire le malin. On va lui faire une Samuel Paty »
Depuis deux ans, il faut donner acte au gouvernement d’avoir agi. Il y a eu la loi séparatisme de Gérald Darmanin, déclinaison du discours des Mureaux d’Emmanuel Macron, prononcé d’ailleurs avant l’assassinat de Samuel Paty. Une loi, non sans défaut en ce qu’elle englobe toutes les religions ne recelant rien de menaçant pour la République, mais qui permet une meilleure surveillance des lieux de culte. C’est ainsi que seize mosquées ou lieux de prière musulmans ont fait l’objet d’une fermeture administrative. Hier encore, la mosquée radicale d’Obernai a été fermée. Le ministre de l’Intérieur se félicite de l’expulsion de 780 radicalisés. Est-ce une goutte d’eau ou mieux que rien ? Les deux à la fois.
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A l’école, la situation n’a jamais été aussi alarmante. Un lycée d’Evry-Courcouronnes a reçu cette lettre : « votre prof d’histoire-géo, le sale juif, doit arrêter de faire le malin. On va lui faire une Samuel Paty ». Exemple choc, mais exemple hélas pas isolé. En Alsace, une famille vient à la sortie d’une école menacer un prof qui avait parlé des caricatures de Charlie. Depuis quelques mois, on recense une explosion des atteintes à la laïcité à l’école au travers notamment du port de vêtements religieux ou jouant avec la définition. Des abayas, des qamis, des bandanas. Clairement on teste la résistance des établissements. 313 atteintes à la laïcité ont été relevées dans les établissements scolaires pour le seul mois de septembre.
Le remplacement du très républicain Blanquer par Ndiaye à l’Education a donné des craintes sur la défense de la laïcité à l’école
Quand on dit que ça se passe bien, c’est souvent en fermant les yeux pour avoir la paix. On ferme les yeux sur les absences en sport. On renonce à organiser des contrôles pendant le Ramadan, etc… L’Etat constate aussi une progression des cours en ligne assurés depuis l’étranger. Et si l’on essaie de surveiller les prêches dans les mosquées, personne ne peut contrôler les vidéos sur TikTok qui font un tabac chez les jeunes. Le prosélytisme islamique est loin de ralentir. Le remplacement au ministère de l’Education du très républicain Jean-Michel Blanquer par l’universitaire Pap Ndiaye que certains qualifient de « communautariste » avait pu donner des craintes quant à la défense de la laïcité à l’école.
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Il est longtemps resté prudent. Ces jours-ci, il a rappelé fortement que la laïcité n’était pas négociable à l’école. Mais il y a beaucoup de prudence dans ses propos, sans doute par souci de ne pas jeter d’huile sur le feu. Mais dire, comme il le fait dans Le Monde, « la République est plus forte que TikTok », c’est bien, mais c’est peut-être un peu court. Emmanuel Macron sera à la mosquée de Paris le 19 octobre, à l’occasion de son centenaire. Un discours des Mureaux bis serait le bienvenu.
Guillaume Tabard
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Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale : « Il y a bel et bien une vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses »
Le ministre dévoile les chiffres des atteintes à la laïcité, qui sont en hausse. Un phénomène porté notamment par les réseaux sociaux, assure-t-il.
Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier, Eléa Pommiers, Claire Gatinois et Violaine Morin
Publié hier à 06h55, mis à jour hier à 09h57
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Extrait :
Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, au ministère de l’éducation nationale, à Paris, le 11 octobre 2022. ED ALCOCK/MYOP POUR « LE MONDE »
A quelques jours des deux ans de la mort de Samuel Paty, ce professeur d’histoire assassiné par un terroriste islamiste après un cours sur la liberté d’expression, le 16 octobre 2020, Le Monde a rencontré le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye. Soulignant l’importance de ce traumatisme pour la communauté éducative, il développe sa conception de la laïcité, sa stratégie pour lutter contre les tentations communautaires et pour restaurer la place symbolique de l’enseignant dans la société.
Nous allons commémorer, le 16 octobre, les deux ans de l’assassinat de Samuel Paty. De quoi est-il devenu le symbole ?
Son assassinat par un terroriste islamiste a été un choc immense et, deux ans après, il se fait encore sentir. C’est un traumatisme extrêmement puissant. Moi qui suis professeur d’histoire, je le ressens encore. Samuel Paty incarne l’acte d’enseigner, le devoir de transmettre indépendamment des pressions, y compris religieuses. C’est pour cela que sa mort a été aussi traumatisante, outre ses circonstances horribles : l’assassin s’est attaqué à l’école dans son essence même. Un hommage lui sera rendu dans chaque établissement vendredi ou lundi. Nous demandons à tous les établissements de le faire.
Cette commémoration intervient à un moment où les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires. Quels sont les derniers chiffres compilés par les académies ?
Pour septembre [pour la première fois, ces chiffres sont publiés mensuellement], on recense 313 faits d’atteinte aux principes de laïcité. Au dernier trimestre de l’année précédente, d’avril à juillet, 909 faits avaient été remontés, contre 635 entre décembre et mars. Le mois de septembre confirme cette augmentation des faits d’atteinte au principe de laïcité ; 51 % de ces faits ont lieu dans des lycées. Auparavant, les collèges étaient les plus concernés. La majorité de ces signalements, 54 %, concernent le port de signes et tenues religieux. Les chiffres de septembre confirment ce que l’on observe depuis un an, à savoir une montée des signalements pour des questions de tenue.
En revanche, les signalements pour refus de participer à une activité ou contestation d’enseignement sont plus faibles, autour de 7 % chacun.
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