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France : Dans l’école Iqra, des Frères musulmans, où ça  ?

vendredi 14 octobre 2022, par siawi3

Source : https://charliehebdo.fr/2022/10/societe/education/reponse-mediapart-ecole-iqra-freres-musulmans/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=QUOTIDIENNE_14102022_-_NON_ABONNES&utm_medium=email

Éducation
Réponse à Mediapart  : Dans l’école Iqra, des Frères musulmans, où ça  ?

Laure Daussy

Mis en ligne le 14 octobre 2022

Nous avons publié cet été une enquête au sujet d’une école musulmane hors contrat à Valence, soutenue par le maire LR de la ville, qui était prêt à lui vendre un terrain pour qu’elle puisse s’agrandir. Article qui a suscité une « contre-enquête » de Mediapart. Mais qui n’enquête pas sur le point principal : la proximité de l’école avec la mouvance des Frères musulmans.

Plusieurs conseillers municipaux d’opposition de la ville de Valence s’inquiétaient cet été de la vente d’un terrain municipal à une école hors contrat par le maire LR. Un agrandissement qui permettrait ainsi à l’école de passer sous contrat. C’est déjà en soi un élément interpellant qu’une municipalité puisse favoriser une école hors contrat, quelle qu’elle soit, en lieu et place de l’école publique. Il semblerait que, suite à notre article, la vente ait été annulée. Les dirigeants de l’école et Mediapart accusent Charlie, qui aurait eu ainsi le pouvoir de faire annuler cette vente  !

Il s’agit d’une école appelée Iqra, créée en 2012, et hébergée dans les locaux de la mosquée. Sauf qu’un faisceau d’indices tend bien à montrer que cette école est proche de la mouvance des Frères musulmans. L’école est affiliée depuis 2014, et au moins jusqu’en 2019, à la Fédération nationale de l’enseignement musulman (FNEM). L’association Valeurs et réussites, qui gère l’école, la présente comme « affiliée à la FNEM » dans une lettre adressée au préfet, en 2019, dans laquelle elle demande un passage sous contrat.

VOIR Documentici

Une affiliation qui figure aussi sur leurs plaquettes de présentation. Or la FNEM a été créée en 2014, en partenariat avec l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), devenue depuis « Musulmans de France », proche des Frères musulmans. La FNEM, qui rassemble des écoles aussi bien hors contrat que sous contrat avec l’État, est dirigée par Makhlouf Mamèche, le directeur adjoint du lycée Averroès et vice-président de l’UOIF. Pour Florence Bergeaud- Blackler, spécialiste des Frères musulmans, chargée de recherche CNRS, « l’objectif de Makhlouf Mamèche est de créer un réseau d’écoles musulmanes destiné à former une élite bien intégrée et porteuse des valeurs islamiques dans la société française et aux niveaux décisionnaires. C’est un projet à long terme. Les Frères ont choisi la stratégie silencieuse pour faire en sorte que les écoles passent sous contrat avec l’État : pas de vague, pas de voile pour les enfants, une communication très maîtrisée. L’islamisation se fera à la marge, dans les activités parascolaires auprès des enfants musulmans mais aussi des autres, la conversion faisant partie de la mission frériste. » Tout un réseau d’associations gravite d’ailleurs autour de l’école, dont l’association La Plume, qui a pour objectif l’apprentissage du Coran. Les rapports d’inspections de l’école ne montrent pas de problème particulier, contrairement à ce que nous avait assurés une source. Il est probable qu’il s’agit d’une stratégie de normalisation. L’école a reçu toutefois une mise en demeure en date du 7 janvier, pour des raisons administratives : le directeur de l’école, étant enseignant ailleurs, n’était pas présent sur les lieux contrairement à ce que le code de l’éducation demande.

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Comme nous le précisions, l’école a par ailleurs été soutenue depuis ses origines par un imam lui-même proche de cette mouvance, Abdhallah Dliouah, présent depuis plusieurs années à Valence, et qui y a créé toute une galaxie d’associations cultuelles et culturelles. Il était bien présent à Valence en tant qu’imam, (il se présente d’ailleurs sur son blog et ses réseaux sociaux comme l’imam de Valence), en parallèle d’un autre imam officiel de la mosquée, affiliée à l’Algérie. Même s’il a maintenant quitté la ville de Valence, Abdhallah Dliouah soutient encore publiquement l’école cette année.

Qu’est-ce qui permet de dire que lui-même serait proche des Frères  ? Cet imam a publié sur son compte Facebook en 2013 le signe de la Rabia, qui est le signe même de ralliement des Frères musulmans.

Il fait référence, sur son blog et ses réseaux sociaux à Al Qardaoui, qui n’est autre que l’imam de référence des Frères Musulmans. Il apporte à plusieurs reprises son soutien à l’IESH de Château-Chinon, organisme créé par des Frères musulmans. Il participe à plusieurs reprises au grand rassemblement de l’UOIF au Bourget. Il invite à plusieurs reprises l’imam Iqouissen, lui-même proche de la mouvance frériste, dans plusieurs des structures qu’il a créées, et apporte son soutien à cet imam depuis qu’il est menacé d’expulsion.

Il apporte aussi son soutien à Tariq Ramadan en postant des visuels « Free Tariq Ramadan ». La difficulté d’enquêter sur les Frères musulmans, c’est que l’affiliation n’est revendiquée par personne. D’ailleurs, l’UOIF a elle-même voulu montrer une distance en changeant de nom, devenant « Musulmans de France » en 2017, et niant également tout lien avec les Frères musulmans en Égypte. Lorenzo Vidino, directeur du programme de recherche sur l’extrémisme à l’université George Washington estime que, pour autant, leur filiation frériste demeure bel et bien. « C’est la branche française des Frères musulmans. Amar Lasfar, qui était leur président jusqu’en juin 2021 est bien frériste. Le changement de nom fait partie de leur stratégie. D’ailleurs, ils ont fait la même chose dans d’autres pays européens, l’organisation allemande historique des Frères musulmans est devenue « Musulmans d’Allemagne » au même moment qu’en France. » Florence Bergeaud-Blacker assure aussi : « Il y a une stratégie d’invisibilisation délibérée de la part des Frères musulmans français de l’UOIF après les attentats de 2015 qui ont mis en alerte les services secrets. »

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Quel est le problème concernant les Frères musulmans au juste  ? Précisons que leur organisation n’est pas illégale. L’UOIF faisait d’ailleurs partie du CFCM, instance officielle des représentants de l’Islam de France. Mais, pour plusieurs spécialistes, ils prônent un islam parfois fondamentaliste et qui pourrait être en rupture avec les valeurs de la République. Pour l’historienne Anne-Clémentine Larroque, spécialiste de l’idéologie islamiste, « ils nourrissent une forme de communautarisme, ils veulent promouvoir les valeurs islamiques au sein de la société occidentale européenne, une vision de l’Islam qui rompt avec les valeurs liées au principe de la laïcité, sans pour autant enfreindre la légalité ». Bergeaud-Blacker va plus loin encore : « Ils prônent un islam intégraliste, qui gère l’ensemble des faits et gestes, de leur pensée au quotidien, basée sur la sacralisation de l’écrit coranique. C’est un mouvement qui a un projet politique, d’instaurer la société islamique dans le monde, toujours pas des voies légales, par le droit, par la culture, l’éducation. » Lorenzo Vidino nous précise : « Ils ne constituent pas un danger en eux-mêmes, mais ils produisent un discours qui peut conduire certaines personnes à la violence, comme cela a été le cas avec Samuel Paty. » Sefrioui, le prédicateur à l’origine de la fronde contre l’enseignant était en effet proche de la mouvance.