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En Iran, le combat pour la mixité d’une jeunesse en guerre contre le « paternalisme islamique »

mardi 1er novembre 2022, par siawi3

Source : https://www.marianne.net/monde/proche-orient/en-iran-le-combat-pour-la-mixite-dune-jeunesse-en-guerre-contre-le-paternalisme-islamique?utm_source=nl_quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=20221101&xtor=EPR-1&_ope=eyJndWlkIjoiZWU1YTU1MWQyNmQzMmYxMmE0MzMyZDY4NmJjYmFiMmUifQ%3D%3D

En Iran, le combat pour la mixité d’une jeunesse en guerre contre le « paternalisme islamique »

Non-non-mixité

Par Jean-Loup Adenor

Publié le 01/11/2022 à 14:37

Les manifestations en Iran se cristallisent autour des universités du pays. Les étudiants iraniens ne réclament plus seulement la fin du voilement obligatoire, mais dénoncent aujourd’hui les rigueurs de la société islamique. Parmi les revendications de cette jeunesse mobilisée : le droit à des espaces mixtes, notamment dans les réfectoires universitaires.

Les digues pourraient-elles céder ?En Iran, les revendications de la jeunesse qui manifeste depuis la mort de Masah Amini, tuée par la police des mœurs pour avoir mal porté son voile, ne se cantonnent plus à la seule question du voilement. C’est tout le carcan de la société islamique qui est aujourd’hui remis en question. Dans les universités, les étudiants iraniens entendent d’ailleurs remporter un autre combat : celui pour la mixité. Car si les femmes iraniennes sont autorisées à étudier, elles sont strictement séparées des garçons, notamment à l’heure du déjeuner dans les réfectoires. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus d’étudiants documentent les actions qui contestent cette séparation. Des manifestations ont eu lieu les samedi 29 et dimanche 30 octobre sur les campus de Téhéran, de Kerman (sud-est), de Kermanshah (nord-ouest), Mazandaran (nord) et Machhad, la deuxième ville d’Iran, selon des vidéos partagées sur les réseaux sociaux.

De là à parler d’un mai 1968 iranien ? « C’est une comparaison intéressante, car on se trouve bien face à une rupture générationnelle, explique à Marianne le géographe spécialiste de l’Iran et Directeur de recherche émérite au CNRS, Bernard Hourcade. La première génération, les fils de Khomenei, a fait la Révolution et la guerre. Leurs enfants, les petits-fils de Khomenei, incarnent la nouvelle classe moyenne et populaire, ils ont espéré que l’accord sur le nucléaire leur permettrait de mieux vivre. Les arrière-petits-fils, la troisième génération, ont vingt ans. Ils sont en rupture avec leurs grands-parents. Ils ne se battent pas contre l’islam, mais contre le paternalisme islamique qui les oppresse. » Un combat qui rassemble garçons et filles, car si « bien sûr, les revendications principales restent sur le voilement obligatoire et contre le régime », il s’agit avant tout « d’une révolte contre la culture islamique quotidienne », précise-t-il.

Une comparaison intéressante, mais qui a ses limites. Car le mouvement initié en mai 1968 en France a rapidement entraîné les classes populaires et particulièrement les ouvriers dans son sillage. En Iran, à ce jour, ces classes-là sont encore peu mobilisées. « La classe ouvrière est écrasée par la précarité et les sanctions économiques. Le mécontentement est là mais ils ne partagent pas toujours l’aspiration à davantage de liberté dans les mœurs », analyse Bernard Hourcade.

« Où es-tu, Raïssi ? »

Dimanche 30 octobre, les étudiants de l’université Hormozgan de la ville de Bandar Abbas, dans le sud du pays, ont abattu la cloison qui séparait les deux réfectoires de l’établissement. Le 24 octobre, à l’Université de Sharif à Téhéran, garçons et filles ont refusé de déjeuner dans les réfectoires pour se réunir devant l’établissement, pour un repas en plein air. La veille, dans la même université, les étudiants ont envahi ensemble leur réfectoire, filmant des scènes de liesse impressionnantes. On peut les entendre chanter : « Où es-tu, Raïssi, [du nom du président iranien] ? Nous avons déjeuné aujourd’hui. » Même chose le 25 octobre à l’Université Shahid Beheshti de Téhéran, où filles et garçons ont réalisé un clapping très relayé sur les réseaux sociaux. Vu d’Occident, difficile de savoir avec précision combien d’universités sont touchées par ce phénomène.

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Dans les grandes universités, le régime se garde bien de faire intervenir la police. « D’abord, la police n’entre pas dans les universités en Iran. Ensuite, il faut comprendre que ce sont ces étudiants-là, la future élite intellectuelle iranienne. Ce sont des scientifiques dont le régime a besoin et auquel il doit son programme nucléaire et le développement de ses missiles, notamment. Le régime ne peut pas les massacrer. » Dès lors, cette jeunesse-là « a un pouvoir réel, ils sont protégés », poursuit Bernard Hourcade.

Ailleurs, les manifestations sont parfois plus durement réprimées. Dimanche, des coups de feu ont été entendus lors d’une manifestation à l’Université du Kurdistan. « Parmi les manifestants blessés ou tués, on compte beaucoup de personnes résidant au Kurdistan ou au Balouchistan. Là, les gardiens de la Révolution répriment durement les manifestations car il existe dans ces régions des groupes armés et financés par l’Arabie saoudite. Des groupes sunnites », décrypte le géographe.

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Ces revendications pourraient-elles aboutir ? Car pour calmer la crise, le régime a besoin d’une porte de sortie. « Il pourrait peut-être y avoir des concessions qui seraient faites sur la mixité dans certaines Universités, oui », estime Bernard Hourcade. Des concessions moins difficiles à faire que sur le port du voile, mais qui pourraient rester cantonnées aux seules grandes universités du pays. « Il faut regarder ce qui se passe dans les petites universités, les écoles moins prestigieuses. Là, la pression est encore forte et obtenir la mixité sera culturellement très difficile », prévient le chercheur.