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France : Le gouvernement a reçu TikTok pour contrer la « prolifération » d’incitations à enfreindre la laïcité
vendredi 4 novembre 2022, par
Le gouvernement a reçu TikTok pour contrer la « prolifération » d’incitations à enfreindre la laïcité
Viralité
Par Jean-Loup Adenor
Publié le 21/10/2022 à 18:00
La secrétaire d’État à la Jeunesse Sarah El Haïry a reçu jeudi soir les dirigeants de TikTok France. Le gouvernement s’inquiète de la recrudescence, sur la plateforme, de vidéos appelant à porter des vêtements religieux ou à prier dans l’enceinte des établissements scolaires.
La République est-elle réellement « plus forte que TikTok », selon la formule employée par le ministre de l’Éducation nationale Pap N’Diaye dans un entretien au Monde ? Jeudi 19 décembre, les dirigeants du réseau social, très prisé des jeunes, ont été invités au ministère de la Jeunesse. En cause : la recrudescence de vidéos appelant les jeunes filles à tester les règles de leurs établissements en venant habillées en tenues religieuses, principalement des robes amples qui couvrent le corps type abayas pour les filles, qamis ou djellabas pour les garçons. Mais aussi en arborant foulards et bandanas recouvrant les cheveux, ou en priant dans l’enceinte du lycée – autant de manifestations strictement interdites par les lois de 1905 sur la laïcité et de 2004 sur les signes religieux ostentatoires.
Interrogée par Marianne, la secrétaire d’État à la Jeunesse Sarah El Haïry a expliqué avoir demandé aux deux représentants venus au ministère l’amélioration de la modération de ces contenus et des outils de signalement. « Nous avons aussi travaillé sur la question de la promotion des valeurs républicaines sur les réseaux sociaux et sur TikTok en particulier », a-t-elle ajouté.
La jeunesse pour cible
Selon Sarah El Haïry, les représentants français du réseau social chinois se sont montrés attentifs aux inquiétudes du gouvernement : « L’échange a été constructif. Ils sont conscients des conséquences qu’emporte la prolifération de ces contenus et semblent déterminés à travailler avec le gouvernement. » La secrétaire d’État dit avoir insisté sur la promotion des valeurs républicaines sur les réseaux sociaux : « Ces milliers de vidéos provoquent des atteintes à la laïcité car elles deviennent virales. En retour, j’appelle à une viralité républicaine sur ces mêmes réseaux, avec ces mêmes outils. » La secrétaire d’État souhaite aussi engager les parents dans son action, estimant que « TikTok n’est qu’un des maillons de la chaîne. Il faut sensibiliser les parents, renforcer et protéger le corps éducatif avec le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, travailler avec toutes les parties prenantes. »
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Début juin, une note du Service central du renseignement territorial (SCRT) rendue publique par nos confrères de RTL, faisait état de la multiplication des atteintes au principe de laïcité dans l’Éducation nationale, depuis décembre 2021. Selon la note, on dénombre de plus en plus de cas d’élèves qui refusent d’ôter leur voile islamique ou qui souhaitent porter des tenues présentées comme « traditionnelles ».
En tout, 144 entorses à la loi de 2004 sur la laïcité à l’école ont été recensées au deuxième trimestre scolaire 2021-2022. « On voit que 51 % des atteintes à la laïcité dans les lycées sont liées aux tenues vestimentaires. Ceux qui veulent déstabiliser le modèle républicain ciblent la jeunesse pour diffuser leur idéologie mortifère. Hier, c’était Facebook, aujourd’hui c’est TikTok », a déploré Sarah El Haïry.
Des revendications de plus en plus fortes
La semaine dernière, les élèves du lycée Joliot-Curie à Nanterre ont manifesté notamment pour l’autorisation des abayas dans leur établissement. Mercredi, un rassemblement similaire s’est tenu devant un établissement de Clermont-Ferrand. À chaque fois, les participants réfutent le terme d’ « abaya ». À Bordeaux, des jeunes filles sont revenues des vacances de printemps en portant des abayas au lycée. À Garges-lès-Gonesse, Argenteuil ou Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise), des élèves gardent leur voile pendant les cours. La note du SCRT relie ces incidents à la période du ramadan 2022 et à a campagne présidentielle, pendant laquelle les activistes « fréristes, salafo-fréristes ou pro-Erdogan » se sont emparés des crispations communautaires provoquées par les candidats à la présidentielle « ouvertement hostiles à l’islam ».
D’avril à juin, 904 signalements pour des atteintes à la laïcité sont remontés au ministère de l’Éducation nationale contre 636 au premier trimestre, soit une hausse de plus de 40 % des faits. « Le nombre de signalements ne reflétera pas la réalité. Dans certains territoires, ce phénomène est si courant qu’il n’y a aucun signalement. C’est le cas à Créteil notamment », expliquait dès juin une source institutionnelle à Marianne. À l’inverse, pour d’autres territoires, le phénomène est assez nouveau pour que les équipes pédagogiques fassent remonter ces dérives : « Aujourd’hui, qu’il y ait beaucoup de remontées, cela signifie que la situation a pris une ampleur assez importante pour que de nombreux chefs d’établissements aient décidé de le signaler », nous confirme-t-on.