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Classe, politique identitaire et idéologie transgenriste.

lundi 19 décembre 2022, par siawi3

Source : https://tradfem.wordpress.com/2022/12/18/classe-politique-identitaire-et-ideologie-transgenriste-2/

Classe, politique identitaire et idéologie transgenriste.

Mis en ligne sur Redline le 17 décembre 2022

Deirdre O’Neill,

maîtresse de conférences et réalisatrice de films.

Sous Thatcher, puis Blair et jusqu’à nos jours, la classe ouvrière britannique a vu sa culture lentement et progressivement détruite. Le passage d’une société industrielle à une société de services a entraîné un net changement d’orientation, la classe ouvrière cessant d’être considérée comme l’épine dorsale du pays pour être plutôt perçue comme une classe marginale et férale, traitée comme responsable de sa pauvreté. En conséquence, sa lutte collective a été érodée et remplacée par l’adhésion de la classe moyenne à la politique identitaire, une focalisation sur des questions individuelles qui célèbrent la différence et refusent de reconnaître ou de s’engager face aux traumatismes qui continuent à être liés à l’appartenance de classe.

Une des conséquences des changements massifs qui ont eu lieu dans la vie de la classe ouvrière au cours des quarante dernières années de néolibéralisme a été l’effacement de la conscience de classe et la perte du langage de classe comme cadre analytique dans lequel articuler et donner un sens à ces changements.

La classe ouvrière a été coupée de tout parti politique susceptible de parler en son nom et a été abandonnée par le monde universitaire, l’un de ses intermédiaires traditionnels. La classe moyenne, qui préfère le confort d’une politique identitaire individualiste, s’est précipitée dans une sphère publique qui a systématiquement et stratégiquement exclu la classe ouvrière et qui s’est rétrécie pour n’inclure que les gens qui partagent l’opinion de l’establishment – même si leurs voix sont « dissidentes ». En conséquence, la lutte radicale a été reformulée et la classe ouvrière a été rendue invisible en tant que catégorie politique de plus en plus connue uniquement par ses apparitions dans des émissions de télé-réalité ou des jeux télévisés où elle est représentée sans histoire ni agentivité. Ces émissions servent à offrir un spectacle et à renforcer les préjugés de la classe moyenne, tandis que, dans le même temps, les objectifs politiques de la dérision et de la futilité sont introduits en douce sous le couvert du divertissement.

Cette dégradation de la sphère publique, qui est aujourd’hui presque exclusivement dominée par une élite issue d’Oxford et de Cambridge formée par le secteur privé, qui se publie, se podcaste, s’interviewe et s’échange des opinions, n’est nulle part plus flagrante que dans cette exclusion de la classe ouvrière. Ce que nous avons maintenant, c’est une culture publique de carriéristes égoïstes dont l’obsession de leur propre statut, les préoccupations individuelles, les angoisses personnelles et les multiples revendications d’identités opprimées, les empêchent idéologiquement de s’occuper de questions politiques plus vastes.

Le développement de l’idéalisme et le déni de la réalité matérielle ont offert à certains membres de gauche de la classe moyenne une pseudo-version du radicalisme politique. Pour eux, la lutte pour le changement n’est plus fondée sur la politique de classe et ils ne disqualifier naissent pas la classe ouvrière comme les initiateurs potentiels du changement. Les demandes d’égalité ne sont pas ancrées dans une compréhension de la façon dont le système fonctionne structurellement pour disqualifier toute opposition significative à la société brutale dans laquelle nous vivons actuellement. Si les personnes considérées comme étant « la gauche » dans la vie publique sont pour la plupart des diplômés privilégiés du groupe Russell qui n’ont jamais connu la lutte, il est impératif que nous considérions l’impact que cela aura sur la lutte pour un monde différent et ce à quoi ce monde différent pourrait ressembler.

Il est évident que l’on s’accommode de plus en plus d’un néolibéralisme étroit visant à monétiser tous les aspects de nos vies au sein d’une sphère publique constamment minée par une éthique axée sur le marketing et concentrée sur la création de groupes de consommateurs, et où déclarer son « communisme » dans des programmes télévisés n’est qu’une opportunité marketing de plus, destinée à devenir un slogan sur un tee-shirt à vendre via votre site web.

À la lumière de cette dynamique, il est difficile de ne pas considérer que la montée rapide de l’idéologie transgenriste, et son activisme concomitant adopté avec enthousiasme par la gauche de la classe moyenne, est liée au démantèlement de la politique radicale au cours des 40 dernières années et à la démoralisation et aux sentiments de défaite qu’elle a engendrés.

Le transactivisme a donné aux privilégiés l’occasion d’ignorer les questions d’inégalité de classe tout en permettant à certains d’afficher un radicalisme et un progressisme superficiels. En conséquence, nous avons récemment assisté au spectacle de femmes incarcérées de la classe ouvrière, agressées en prison par une personne dotée d’un pénis (c’est-à-dire un homme). Cet homme a été ignoré et, dans certains cas, son comportement excusé afin de défendre un statut de femme transgenre pour cet homme. Ce processus a permis de normaliser le traitement inéquitable de femmes de la classe ouvrière et d’ancrer leur marginalisation. Il n’existe pas d’exemple plus frappant du mépris absolu dans lequel les gens de classe moyenne qui se déclarent « guerriers pour la justice sociale » tiennent la classe ouvrière.

Plutôt que de discuter de l’injustice de l’emprisonnement de certaines des personnes les plus endommagées et vulnérables de notre société, dont les « crimes » sont principalement liés à leur pauvreté, nous voyons ainsi « la gauche » réclamer le droit des hommes à être logés à leurs côtés en prison. Quant aux conséquences, les femmes de la classe ouvrière ne comptent plus que comme dommages collatéraux. L’indifférence à l’égard des besoins des femmes de la classe ouvrière, dans ce cas précis, s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie néolibérale consistant à diaboliser et à ignorer les chômeurs, les handicapés, les utilisateurs de banques alimentaires, les personnes réduites à des contrats de travail à durée indéterminée, etc.

Le mouvement transgenriste exige un rejet de la réalité biologique. Toute tentative de discuter du mantra « les transfemmes sont des femmes » se heurte à des brimades sur les médias sociaux, à des tentatives d’empêcher les femmes de se réunir pour discuter de la question et à des menaces de violence de la part des hommes qui demandent à être acceptés comme des femmes et des personnes qui les soutiennent dans cette revendication.

Ce ne sont pas les femmes qui peinent dans les ateliers clandestins des pays dits « en développement » que les transactivistes souhaitent voir « transitionner », mais plutôt les femmes bourgeoises réussies et objectivées qu’ils veulent devenir. Pour les femmes de la classe ouvrière, la réalité de la négociation des luttes de pouvoir institutionnelles et personnelles dans lesquelles leur vie s’inscrit ne fait pas partie du discours des hommes qui se prétendent femmes. Au contraire, comme dans tous les autres domaines de la vie, les femmes de la classe ouvrière sont traitées comme étant sans importance ou ignorées, comme le montre clairement l’exemple de la prison.

Il y a quelque chose de terriblement fragile dans notre engagement en faveur d’un débat raisonné si nous pouvons rejeter avec une telle nonchalance des faits tels que notre constitution biologique. Il y a quelque chose de désespérément naïf à penser que nous pouvons nous débarrasser de profonds processus de socialisation par une simple déclaration telle que « Je suis une femme » dans la bouche d’un homme. Il y a quelque chose de suspicieusement familier, une odeur de misogynie, dans la détermination à nier la violence que les hommes perpétuent contre les hommes et contre les femmes, et les protections dont les femmes ont besoin contre les hommes (qui, après tout, sont ceux qui filment sous leur jupe ?).

Si tout le monde peut être ce qu’il veut simplement en le disant, où cela nous mène-t-il ? Sur quelle sorte de fondation pouvons-nous construire ? Si vous « êtes ce que vous dites être », où cela mène-t-il ceux et celles d’entre nous qui luttons pour un monde meilleur ? Cela ne nous laisse nulle part – les connaissances sociales, historiques, la lutte institutionnelle et l’expérience culturelle n’ont plus aucun sens. La façon dont nos vies sont façonnées par des structures sur lesquelles nous n’avons souvent que peu de contrôle ne peut être articulée ou faire l’objet d’une résistance. La propagation actuelle de la notion d’une essence féminine rend d’un seul coup inutile l’histoire des luttes dans lesquelles les femmes ont été impliquées pour leur droit à vivre des vies indépendantes et autonomes – il n’y a pas de « mauvais côté de l’histoire » quand on peut simplement en ignorer l’existence.

On a vu un refus flagrant de la part de la gauche de prendre en compte le problème du transgenrisme et son impact sur les femmes – et par femmes, j’entends les personnes qui appartiennent à la classe sexuelle qui a des ovaires et qui est capable de donner naissance. Les niveaux de pensée de groupe nécessaires pour maintenir ce navire à flot, l’autocensure, l’intimidation, la malhonnêteté flagrante, le refus du débat avec des glapissements de « transphobie ! » indiquent une gauche en crise profonde. La gauche dominée par la classe moyenne a abandonné son obligation de s’engager de manière critique, d’élucider et de guider les questions politiques du jour. Au lieu de cela, elle s’est contentée d’accepter les termes du débat proposés par les transactivistes (y compris leur confusion vraiment basique entre sexe et genre).

Cet échec trouve son origine dans l’acceptation par la gauche de la politique identitaire et de son hypothèse selon laquelle la façon dont un groupe (ou les principaux idéologues au sein d’un groupe) articule son oppression est le dernier mot en la matière. Pourtant, il est clair que l’identité d’un groupe et ses revendications peuvent facilement entrer en conflit avec les revendications et l’identité d’un autre groupe. La politique identitaire n’a aucun moyen de négocier ces revendications contradictoires. En fin de compte, le groupe qui peut mobiliser le plus de pouvoir est celui qui fera prévaloir ses revendications. En s’alignant de manière catastrophique sur ce qui est clairement un mouvement de nouveaux droits pour les hommes, la gauche a choisi de se ranger du côté des puissants plutôt que des moins puissants, des hommes plutôt que des femmes, et de la classe moyenne plutôt que des femmes de la classe ouvrière – car ce sont elles en particulier qui feront les frais des droits des transgenres tels qu’ils sont formulés actuellement.

La fermeture aux complexités de cette discussion par le mantra « les transfemmes sont des femmes » est profondément antidémocratique. Dans une démocratie qui fonctionne correctement, les préoccupations de chacune et chacun seraient incluses dans une discussion ouverte et transparente. Au lieu de cela, l’esprit critique est relégué au rang d’une « transphobie », et même les faits de base sont maintenant apparemment un signe de tendances à la Trump (garantissant ainsi que la droite s’approprie cette question, puisque la gauche ne peut en discuter de manière raisonnable).

Plutôt que de se battre pour que nous passions toutes et tous à une société plus juste et plus équitable, les guerriers de la justice sociale se concentrent sur le droit des hommes à adopter les stéréotypes que la plupart des femmes ont rejetés depuis longtemps. Plutôt que de lutter pour créer quelque chose de nouveau, l’idéologie transgenriste recycle les vieux tropes de la féminité (un « cerveau féminin » – vraiment ?) et revendique leur adoption comme progressiste. Plutôt que d’envisager des moyens de changer radicalement les rôles des hommes et des femmes, on nous dit que les stéréotypes contre lesquels les femmes se sont longtemps battues sont en fait des réalités et que les hommes peuvent se les approprier pour « prouver » qu’ils sont des femmes.

La proposition de Loi sur la reconnaissance du sexe (Gender Recognition Act), actuellement à l’étape de consultations au Royaume-Uni, autoriserait un système d’auto-identification dans lequel le changement de « sexe » se ferait par la simple signature d’un formulaire, de sorte que les hommes biologiques seront légalement autorisés à s’identifier comme femmes. Le titre même de la loi proposée démontre que nos décideurs politiques ont fait une confusion fondamentale entre le genre (caractéristiques socialement construites du « féminin » et du « masculin ») et le sexe biologique. Cela montre en soi combien les principes centraux de l’idéologie transgenriste sont profondément controversés et qu’il est absolument légitime et nécessaire que ces idées soient ouvertes à la contestation et au débat. Si la gauche ne le reconnaît pas, elle risque de commettre une erreur politique historique.

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Deirdre O’Neill est conférencière et réalisatrice de films radicaux. Son plus récent film, Adult Human Female, a été interdit par des transactivistes à l’université d’Edimbourg. Elle a aussi signé le film Radical Pedagogic Tool (2017), qui explore la manière dont une pédagogie radicale du cinéma, ancrée dans les expériences, la situation de classe et les réalités quotidiennes de la classe ouvrière, peut fournir un point de départ pour un engagement critique et une compréhension matérialiste de la manière dont la société est organisée. Elle est également co-éditrice (avec Mike Wayne) de Considering Class : Theory, Culture and the Media in the 21st Century (2017).

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L’essai ci-dessus a été initialement publié l’année dernière sur la plate-forme Medium ; nous remercions Deirdre d’avoir accepté que nous le re-bloguions sur Redline.

Traduction  : TRADFEM

Version originale : https://www.barrheadboy.com/classidentity-politics-and-transgender-ideology