Subscribe to Secularism is a Womens Issue

Secularism is a Women’s Issue

Accueil > Uncategorised > Et si les animaux se fendaient la gueule  ?

Et si les animaux se fendaient la gueule  ?

mercredi 28 décembre 2022, par siawi3

Source : https://charliehebdo.fr/2022/12/ecologie/cause-animale/et-si-les-animaux-se-fendaient-la-gueule/

Et si les animaux se fendaient la gueule  ?

Allain Bougrain-Dubourg

Mis en ligne le 26 décembre 2022

N’en déplaise à Rabelais, à qui l’on prête « Le rire est le propre de l’homme », les animaux, eux aussi, pourraient se poiler. En tout cas, certains d’entre eux. En cette période de fête, il est marrant de chercher à en savoir plus.

Et si les animaux s’abstenaient de rire en raison des maltraitances qu’ils subissent  ? Sans sombrer dans l’anthropomorphisme, il semble judicieux de penser que les poules pondeuses, entassées en batteries sans lumière du jour, les lapins élevés sur du grillage à 10 au m2, privés de terriers, les porcs subissant la promiscuité ou le cheval prisonnier dans son box n’ont aucune raison de se réjouir. Et encore moins de rire. Mais pour les autres, ceux qui vivent « normalement » qu’en est-il  ?

Pendant longtemps cette question ne s’est même pas posée. L’animal ne procréait que pour pérenniser son espèce, sans plaisir. De même, il ne disposait pas d’outils et la compassion lui était étrangère. Les progrès de l’éthologie ont effacé ces absurdités qui reléguaient la bête au statut de machine. Oui, le plaisir est associé au sexe, les bonobos en témoignent. Oui, les outils fabriqués par l’animal sont employés régulièrement, comme le montrent les chimpanzés choisissant des brindilles pour piéger les termites. Oui la compassion est au rendez-vous animal, les exemples sont légion. Les jeux s’inscrivent également dans ce que l’on peut qualifier de « culture » pour bon nombre d’entre eux. Dès lors, pourquoi le rire serait-il exclu des analogies avec l’homme  ?

À LIRE AUSSI  : Éthologie : « Les chimpanzés connaissent des molécules qui valent bien la chloroquine ! »

Lorsqu’un bébé humain vient au monde, ses parents ne tardent pas à lui chatouiller la plante des pieds pour provoquer un rire complice. L’expérience menée sur de jeunes primates donne des résultats comparables. La zoologiste et psychologue Marina Davilla-Ross de l’Université de Portsmouth s’est livrée à l’exercice. Ses travaux l’ont conduite à enregistrer des gloussements émis par de jeunes chimpanzés, gorilles et autres orangs-outangs lorsqu’on leur chatouillait la paume des mains ou les aisselles, la réaction du rire est confirmée. Elle a également observé les comportements sur le terrain dans la réserve Chimfunshi Wildlife Orphanage en Zambie. Elle conclut que les 59 chimpanzés, répartis en quatre groupes, montraient tous des capacités au rire. Mieux, elle est convaincue que le rire « mimétique », c’est-à-dire déclenché lorsqu’un individu le manifeste, permet de renforcer les liens sociaux. « Comme chez les humains, les rires à vocation sociale sont plus courts que les rires spontanés », précise encore la chercheuse. Sasha Winkler, primatologue, parle plutôt d’une « expression vocale du jeu ». Elle identifie même cinq expressions révélatrices. Les halètements avec respirations rapides et rythmées, les sifflements et crachats, les émissions vocales à haute intensité, les ronronnements et les grognements ou encore les ultrasons.

Publié dans la revue Bioacoustics, ce bilan porterait sur des animaux aussi divers que les vaches, les éléphants ou même les cerfs. Prudente, la scientifique souligne toutefois qu’il s’agit d’un signal qui communique l’amusement aux congénères et pas forcément tel que nous interprétons le rire. Elle admet pourtant que certaines espèces manifestent une forte expression sonore comme le singe écureuil, l’otarie, le phoque, l’éléphant ou encore un perroquet de Nouvelle-Zélande, nommé Kéa. Une étude publiée en 2004 a suggéré que les dauphins, eux aussi, montraient des signaux propres au rire. Émis par le sonar, il s’agit d’une sorte de sifflements clairement enregistrés lorsque les animaux s’amusent. Cela leur permettrait notamment d’indiquer qu’il est malvenu d’utiliser la violence. Autre constat souvent vérifié en laboratoire, les rats rient lorsqu’on les chatouille. Mais ils le font d’une manière singulière, ils émettent des ultrasons non perceptibles par l’homme. Interrogé par Science et Avenir, le professeur Martin Giurfa, du Centre de Recherche sur la Cognition Animale à l’Université de Toulouse, tempère les fantasmes. « Si on attribue des émotions telles que la joie ou la tristesse à un animal, comment les définit-on  ? L’animal n’étant pas en mesure de nous parler et de nous rapporter ses sensations, qu’est ce qui prouve que ma sensation de joie à un équivalent chez l’animal  ? Qu’est-ce que la joie pour un cygne  ? La joie existe-t-elle chez une mouche  ? ». Pas faux  ! Mais ne pas être capable de démontrer signifie-t-il que l’objet de l’étude soit inexistant  ? L’imagerie cérébrale autorisera peut-être dans l’avenir à envisager, voire à admettre, des émotions comparables entre l’Homme et l’animal.

À LIRE AUSSI  : Télépathie animale : ces Mme Irma qui discutent avec Médor

Les propriétaires de chiens ne se posent pas la question. Ils ont tous la conviction que leur animal préféré manifeste parfois le rire. Ce dernier se manifeste notamment par des petits cris ou par la langue pendue synonyme de détente et de soumission chez les loups. Quoi qu’il en soit, de nombreux chercheurs conviennent qu’il y a 5 millions d’années, les ancêtres des singes et des hommes ont dû commencer à produire des rires comme une réponse sociale de non-agressivité. Depuis la capacité à contrôler le rire s’est adapté au point de devenir chez l’Homme un outil sophistiqué. Quoi qu’il en soit, faute de rire, les chimpanzés ont incontestablement le sens de l’humour. Le primatologue Néerlandais Frans de Waal raconte que dans un zoo, un chimpanzé allait se remplir la bouche d’eau, s’installait calmement devant la grille et quand un visiteur s’approchait, lui recrachait l’eau en pleine figure. « Les cris et les mimiques des autres chimpanzés se roulant sur eux-mêmes et se tapant le front, ne laissent guère de doute », conclut le scientifique.

On a envie d’y croire  !