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Syrie : des déplacés victimes des frappes turques
Tout rapprochement avec Ankara doit aboutir à la fin de l’« occupation » turque en Syrie, selon Bachar el-Assad
samedi 14 janvier 2023, par
Syrie : des déplacés victimes des frappes turques
Publié le : 13/01/2023 - 07:01
Des enfants réfugiés dans une école près d’Abu Rasayn, en janvier 2023. © Murielle Paradon/RFI
Texte par :
Murielle Paradon
La Turquie a lancé fin novembre des frappes sur le nord de la Syrie. Même si elles ont baissé en intensité par rapport au mois dernier, les civils en subissent toujours les conséquences. Avec les destructions, certains ont dû fuir et trouver des abris de fortune, en plein hiver. Reportage dans une école près d’Abu Rasayn.
de nos envoyés spéciaux, avec la participation de Jiwan Mirzo
L’école est située en pleine campagne, à quelques kilomètres de la frontière turque. Le bâtiment est désaffecté et en piteux état. Il sert aujourd’hui de refuge à des familles qui ont fui les destructions dans leur ville d’Abu Rasayn, située juste sur la ligne de front.
Keffieh sur la tête, Moudjbel Hamid vit avec sa femme et ses six jeunes enfants dans l’une des salles de classe. « Ma maison a été détruite par des bombes, maintenant on vit dans cette école, dit-il. Nous n’avons pas les moyens d’aller dans une grande ville pour louer une maison, c’est pourquoi on est ici. »
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Les conditions sont spartiates : quelques matelas et quelques casseroles, dans cette pièce aux vitres à moitié cassées. Il fait froid et Daha, l’épouse de Moudjbel, se presse avec les enfants autour du poêle. « Chaque famille vit dans une pièce, il y a la cuisine et les lits dedans, explique-t-elle. Il fait si froid qu’on a toujours le poêle allumé. On a 150 litres de fioul pour tout l’hiver et ce ne sera certainement pas suffisant. »
Photo : La famille de Moudjbel Hamid réfugiée dans une école. © Murielle Paradon/RFI
Dans la salle de classe à côté, Nada, enveloppée d’un long voile, s’est installée avec ses cinq enfants. À part quelques dons des voisins du village, il n’y a pas d’aide humanitaire, se plaint-elle. « La situation est très dure, personne ne nous aide, c’est tellement dangereux qu’aucune ONG ne veut venir, assure la jeune femme. On voudrait qu’on nous emmène ailleurs. Mais on n’a pas de soutien. »
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Les civils, premières victimes du conflit
Sa voisine Houda s’inquiète surtout pour ses enfants. Ils sont traumatisés par les bombardements, raconte-t-elle. Elle aussi est originaire d’Abu Rasayn. Sa maison a été détruite et elle est venue se réfugier ici.
« Bien sûr, c’était horrible au début. Les enfants avaient peur, ils ne dormaient pas du tout. Nous leur disions : « C’est bien ici, vous pouvez dormir », mais comme nous-mêmes nous étions inquiets et ne dormions pas, ils n’y arrivaient pas. » Mais les bombardements se sont aussi approchés de l’école où ils sont réfugiés. « Quand ça arrive, on met les matelas sous les escaliers et les enfants dessus. »
Ahmed, lui, va de refuge en refuge au gré du conflit syrien. Il est parti de Rais al Aïn lorsque cette ville a été occupée par les Turcs après l’opération de 2019. Il est donc allé à Abu Rasayn mais il a été à nouveau rattrapé par la guerre. Ce futur père de famille se dit épuisé par la situation. « C’est vraiment un problème international, je ne veux pas parler de politique, mais il y a beaucoup de forces en présence : les Turcs, les Russes, les Américains, les Syriens, toutes ces parties sont impliquées et s’opposent les unes aux autres, avance-t-il. Personne n’a les mêmes idées, alors quelle est la solution ? Nous, nous sommes des réfugiés, les civils sont victimes de cette guerre. »
Photo : Les destructions sont nombreuses dans la ville d’Abu Rasayn, ici en janvier 2023. © Murielle Paradon/RFI
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Les militaires, eux, sont sur plusieurs fronts. C’est ce qu’explique Syamand Ali, qui nous reçoit, vêtu de son treillis, dans son bureau à Hassake. Il est porte-parole des forces kurdes, les YPG : « Nos positions ont été ciblées par les Turcs, les forces de sécurité qui gardent les prisons des jihadistes et le camp d’Al-Hol. Huit membres des forces de sécurité ont été tués. On doit donc choisir entre protéger les centres de détention des membres de l’État islamique et monter au front contre les Turcs ! C’est très compliqué. »
Les forces kurdes qui contrôlent le nord-est syrien sont prises entre deux feux. Elles demandent davantage de soutien de la communauté internationale.
Syamand Ali, porte-parole des YPG.
Syamand Ali, porte-parole des YPG. © Murielle Paradon/RFI
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Tout rapprochement avec Ankara doit aboutir à la fin de l’« occupation » turque en Syrie, selon Bachar el-Assad
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 12/01/2023 à 17:45, Mis à jour le 12/01/2023 à 17:59
Le président Bachar el-Assad a estimé jeudi que les réunions syro-turques en cours, sous l’égide de la Russie, devraient avoir pour objectif « la fin de l’occupation » turque du territoire syrien « pour être fructueuses », selon un communiqué de la présidence à Damas.
Il s’agit du premier commentaire de Bachar el-Assad, qui recevait Alexandre Lavrentiev, envoyé spécial du président russe Vladimir Poutine sur la Syrie, au sujet des récentes rencontres entre responsables turcs et syriens après une rupture de plus d’une décennie.
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Une coordination nécessaire
Une réunion tripartite a notamment eu lieu en décembre à Moscou entre les ministres turc, syrien et russe de la Défense, la première depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Le président syrien a estimé que « ces rencontres tripartites, pour qu’elles soient fructueuses, doivent être basées sur une coordination et une planification préalables entre la Syrie et la Russie », et avoir pour objectif de « mettre fin à l’occupation (turque en Syrie) et au soutien au terrorisme ».
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, qui se trouve au Rwanda, a affirmé jeudi qu’une réunion des ministres des Affaires étrangères des trois pays se tiendrait « le plus tôt possible, peut-être début février ».
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Mi-décembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait indiqué qu’il pourrait rencontrer son homologue syrien avec lequel il entretenait de bonnes relations avant 2011. Voisine de la Syrie, la Turquie a été depuis plus d’une décennie le soutien politique et militaire le plus important de l’opposition syrienne, dont des formations islamistes, considérées comme « terroristes » par Damas.
La Turquie a lancé depuis 2016 trois offensives sur le sol syrien contre les forces kurdes dans le nord, qui lui ont permis de contrôler une bande frontalière, une « occupation » dénoncée par Damas.
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