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Iran - Contre la répression, pour la résistance - Ils peuvent couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront jamais le printemps

mardi 17 janvier 2023, par siawi3

Source : Marche Mondiale des Femmes n°411

Iran - Contre la répression, pour la résistance - Ils peuvent couper toutes les
fleurs, ils n’empêcheront jamais le printemps

- @Roja.paris

La République islamique d’Iran est née par la violence : celle qui s’est abattue sur les luttes des femmes et des minorités sexuelles et de genre, comme sur la mobilisation contre le hijab obligatoire dès mars 1979 –la légitimité historique de ce premier acte a été rappelée ces dernières années avec la mobilisation des « filles de la rue de la révolution » et plus récemment encore avec l’insurrection suite au meurtre de Jina (Mahsa) Amini ; la violence du jihad contre les minorités nationales non perses ; la répression sanglante des mouvements
d’autodétermination et des minorités religieuses et non religieuses ; la violence de la répression des classes populaires, entraînant la dissolution des conseils autonomes dans le monde du travail et à l’échelle des quartiers. Ce régime a posé ses fondations en éliminant physiquement les opposant-es lors de la décennie noire (années 1980) – à l’ombre de la guerre Iran-Irak – et s’est finalement stabilisé avec l’exécution de milliers de prisonnier.e.s révolutionnaires lors de l’été 1988. La contre-révolution islamique a pris le dessus sur la révolution progressiste de 1979.

Depuis, l’existence de la République islamique dépend de la constante répression physique et idéologique. Récemment, le guide A.Khamenei a brandi la menace des massacres de masse en écho à celui des années 1980. Mais cette fois-ci c’est le régime qui craint de disparaître. Le mouvement « Femme, Vie, Liberté » a montré que ce régime est mort dans l’esprit des habitant-es de ce territoire. Il a aussi montré que l’intimidation, qui a jusque-là permis la
survie du régime, ne suffit plus. Nasrin Qaderi, étudiante kurde devenue martyre par une balle reçue à Téhéran, a écrit dans son dernier message sur Internet : « N’essayez pas de nous faire craindre la mort ! Nous la connaissons, nous avons déjà vécue ! ». Le mouvement « Jin, Jiyan, Azadi » a inscrit la lutte contre les ennemis de la vie au cœur-même des existences, comme le montre le slogan « les martyrs ne meurent jamais ».

C’est le féminicide gouvernemental de Jina (Mahsa) qui a déclenché le soulèvement. Pendant ces 4 mois, le peuple opprimé s’est dressé contre toutes les menaces et les intimidations.

Partout, il a résisté aux forces de répression, avec un courage sans pareil : dans les maisons, les rues, les écoles, les universités, les usines. Face à la militarisation des hôpitaux et le détournement des ambulances pour en faire des armes de répression, des médecins et des jeunes habitant-es prennent en charge les blessé-es leur fournissent médicaments et soins et créent des réseaux clandestins d’entre-aide. Les prisonnièr-es continuent également de
résister depuis leurs cellules, malgré des verdicts sans fondement prononcés lors de procès-mascarade, sans accès à des avocats indépendants, malgré des passages à tabac et des tortures physiques et mentales pour forcer des aveux, malgré les viols et harcèlements sexuels, et malgré la répression collective dans les prisons. La République du massacre profite de la situation fragile des anonymes et des personnes marginalisé-es pour intensifier les intimidations et prend même en otage les familles des défunt-es et des prisonnièr-es.

Depuis le début de l’insurrection, plus de 18 000 militant-es et manifestant-es ont été arrêtées, des milliers de personnes ont été blessées, plus de 500 personnes ont été tuées par balles ou sous la torture et 44 personnes risquent d’être exécutées pour des accusations telles que « guerre contre die » et « corruption sur terre ». Les récits de la répression envoyés depuis les prisons sont terrifiants. Dans le même temps, l’oppression ne s’abat pas sur les corps de manière uniforme. Mohsen Shekari était employé dans un café ; il a été taxé d’« ennemi de dieu » et accusé d’avoir mis le feu à une poubelle, alors qu’il défendait légitimement des manifestant-es sans défense face à la violence des forces de répression. Les meurtres d’enfants comme Setareh Tadjik, afghane, et Kian Pirfalak, de la ville d’Izeh, le vendredi sanglant du Balouchistan, la militarisation du Kurdistan, ainsi que les récits terrifiants de viols et de violences sexuelles, témoignent des différentes faces de cette répression.

Et pourtant, le soulèvement « Femme vie libre » est toujours d’actualité et a besoin de solidarité. Il se poursuivra avec le soutien internationaliste de toutes celles et ceux qui se battent pour la liberté. Le silence des peuples opprimés à travers le monde face au soutien direct et indirect qu’apportent les puissances mondiales et régionales de tous bords accroît le sentiment d’impunité du régime et facilite la répression. Dans le même temps, il faut condamner collectivement toute intervention étrangère, militaire ou économique qui nuirait à l’autonomie de la mobilisation.

Le 21 janvier 2023, nous descendront dans la rue pour condamner les exécutions, la répression, la tyrannie et dire notre solidarité avec la résistance des prisonnièr-es et leurs familles, avec les condamné-es à mort et le mouvement des mères qui demandent justice.

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En Iran, la police envoie des SMS aux femmes non voilées dans les voitures

Les femmes qui refusent de porter le voile dans leur voiture s’exposeront en cas de récidive à des amendes, voire à un séjour en prison.

Nouvelle étape dans le processus de répression des manifestations en Iran. Son nom : Nazer-1. Ce module, annoncé par un responsable de la police lundi 2 janvier, dont le nom se traduit par « surveillance » en persan, vise un objectif simple : pointer toutes les femmes dans leur voiture qui ne portent pas correctement leur hijab.

L’objectif ? Envoyer un SMS à ces Iraniennes réfractaires en leur signalant qu’il est « nécessaire de respecter les normes de la société et de veiller à ne pas répéter cet acte » du retrait du voile. Une pierre de plus à l’édifice de restriction des libertés des femmes, dans un Iran secoué par une vague de contestation massive depuis près de quatre mois.

Renforcement de la loi de 1983 : Le processus de ce programme Nazer-1 est simple. La police repère les femmes au volant qui ne portent pas leur voile - ou le portent mal - et leur envoie aussitôt un SMS, grâce au numéro de téléphone relié à la plaque d’immatriculation de leur véhicule. Les femmes contactées par la police doivent ensuite se rendre dans le poste le plus proche de chez elles et signer un papier stipulant qu’elles s’engagent à ne pas réitérer ce manquement à la loi. Si elles sont de nouveau prises en flagrant délit de port « incorrect » du
voile au volant de leur véhicule, elles s’exposent alors à la confiscation de leur véhicule, à des amendes financières, voire à un séjour en prison.

« Il s’agit d’un renforcement de la loi de 1983 qui oblige les femmes à se voiler dans l’espace public », explique la sociologue Azadeh Kian. Une mise en application concrète qui vient répondre aux manifestations d’une ampleur sans précédent qui secouent l’Iran depuis près de quatre mois, suite à l’assassinat de Mahsa Amini, jeune Kurde de 22 ans, par la controversée police des mœurs.

Une répression qui porte désormais un nom : Dans les faits, la surveillance de la population en Iran via l’envoi de SMS existe depuis une dizaine d’années, et fonctionne par vagues. « Ce n’est pas nouveau car le régime envoie depuis de longues années des messages collectifs, lancés à l’aveugle, aux hommes comme aux femmes », rappelle Mahnaz Shirali, sociologue et politologue spécialiste de l’Iran. « Ce qui change, c’est que cette répression s’inscrit dans un
programme délimité.. Et porte désormais un nom, et pas des moindres : le “1” indique que ce n’est que la première étape d’un long processus d’écrasement de toute velléité de protestation ».

À ce programme s’ajoute une autre mesure d’interdiction : les Iraniennes qui ne respectent pas le port du voile se verront privées de l’utilisation de multiples services, notamment bancaires ou hospitaliers. Et réciproquement, les personnels de ces établissements qui seraient vus en train d’aider ces réfractaires à la loi risquent de perdre leur emploi.

Cette surveillance accrue des femmes qui refuseraient de porter leur hijab est une mise en application concrète de la loi. « Dans les faits, une fois que les femmes sont dans l’espace public, elles sont concernées par l’obligation du voile, même si elles se trouvent dans leur voiture personnelle », détaille Azadeh Kian. « Cette mesure vise particulièrement les Iraniennes qui refusent de porter le hijab sous prétexte que leur voiture est leur véhicule personnel, qui touche donc leur vie privée ».

Pour Azadeh Kian, Nazer-1, qui veut resserrer les vis du carcan du voile en Iran, est surtout symptomatique du « casse-tête des autorités locales ». « La police ne sait plus comment s’y prendre pour faire respecter les lois. Et le recours à la police des mœurs, responsable de la mort de Mahsa Amini qui a mis le feu aux poudres en Iran, est à écarter ». « L’idée », poursuit Mahnaz Shirali, « c’est de violenter les femmes entre quatre murs lorsqu’elles se rendent au
commissariat, plutôt que de les violenter en pleine rue, au vu et au su de tous ».
« Le bras de fer va continuer » : Un programme ambitieux, qui aurait déjà fait ses preuves selon les forces de l’ordre iraniennes. Un haut responsable de la police du pays déclarait mardi matin que 300.000 SMS auraient déjà été envoyés aux femmes non ou mal voilées, et 150.000 femmes se seraient présentées aux postes de police. Une efficacité à nuancer pour Azadeh Kian. « La question des voiles est déjà pour les Iraniennes une question résolue. Elles ne le porteront plus », martèle-t-elle. « Elles iront jusqu’à risquer les amendes et les poursuites, mais vont continuer à désobéir. Le bras de fer va continuer ».