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France : 15 djihadistes françaises et 32 enfants rapatriés de Syrie
Syrie Français dans les camps syriens : Paris enfreint la Convention contre la torture, estime l’ONU
mercredi 25 janvier 2023, par
15 djihadistes françaises et 32 enfants rapatriés de Syrie
La France vient de procéder ce mardi à une nouvelle opération de rapatriement de femmes djihadistes détenues dans des camps de prisonniers en zone irako-syrienne.
Photo : Le garde des Sceaux estimait cet automne « aux alentours de 200 » le nombre de Français toujours détenus sur l’ancien territoire de Daech. AFP/Fadel Senna
Par Ronan Folgoas et Jérémie Pham-Lê
Le 24 janvier 2023 à 06h00, modifié le 24 janvier 2023 à 08h05
Un avion s’est posé ce mardi 24 janvier au matin à l’aéroport militaire de Villacoublay (Yvelines), près de Paris, avec des passagers pas comme les autres. Selon nos informations, confirmées par des sources concordantes, quinze djihadistes françaises, accompagnées pour certaines d’enfants, 32 au total, étaient à bord. Toutes ces femmes ont été rapatriées de la zone irako-syrienne après avoir vécu plusieurs années dans les rangs de l’organisation État islamique (EI), puis dans les camps de prisonniers tenus par les forces kurdes.
Parmi ces revenantes du djihad, âgées de 19 à 56 ans, sept font l’objet d’un mandat d’arrêt et seront présentées à un magistrat instructeur dans la journée, huit ont été placées en garde-à-vue en exécution d’un mandat de recherche, précise le parquet nationaliste antiterroriste.
Certains enfants pourraient faire l’objet d’une procédure
Chacune de ces « femmes djihadistes » ou « femmes de djihadistes » est en effet visée par une procédure de chef d’« association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » ouverte par le parquet national antiterroriste dès que l’autorité judiciaire a connaissance du départ des personnes concernées ou de leur maintien sur zone contrôlée par l’État islamique après les attentats de janvier 2015 (Charlie Hebdo, Montrouge et Hyper Cacher).
Quant aux enfants rapatriés ce mardi, ils ont été confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance et placés en familles d’accueil avec des mesures éducatives adaptées. En fonction de leur âge et de leur profil, certains pourraient toutefois être visés par une procédure pénale.
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Ce retour organisé ce lundi 23 janvier est le premier de l’année 2023. Il intervient trois mois après le précédent rapatriement (14 mères et 40 enfants rentrés en France le 20 octobre) et six mois après la première opération équivalente organisée début juillet.
La France a finalement laissé tomber le cas par cas
Parmi les suspectes rapatriées, la veuve de Samy Amimour, l’un des kamikazes du Bataclan, ou la Bretonne convertie Émilie König. À l’époque, la France avait fait revenir 16 mères et 35 mineurs en provenance des camps de prisonniers djihadistes en Syrie. Une première depuis la chute de l’État islamique en 2019.
Sur ce sujet particulièrement sensible, l’Élysée avait d’abord opté pour des rapatriements d’enfants au cas par cas, appelant à ce que les djihadistes français adultes soient jugés dans les pays où ils ont commis leurs crimes. Une gageure s’agissant de la Syrie, où aucune autorité judiciaire n’est reconnue. Isolée dans cette décision sur le plan européen, critiquée tant pour des raisons sécuritaires qu’humanitaires, l’exécutif a finalement changé de doctrine.
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Il faut dire qu’en septembre dernier, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour ne pas avoir motivé son refus de rapatrier des familles de djihadistes de Syrie. La CEDH avait été saisie par deux couples de Français qui avaient réclamé, sans succès, le rapatriement de leurs filles et de leurs petits-enfants.
129 « revenants » incarcérés actuellement dans l’Hexagone
Auditionné par le Sénat quelques semaines plus tard, le garde des Sceaux avait défendu une position conciliant « humanité et grande prudence ». Éric Dupond-Moretti estimait « aux alentours de 200 » le nombre de Français toujours détenus sur l’ancien territoire de Daech.
« Pour les enfants, c’est encore plus compliqué car certains sont nés sur place et n’ont pas d’état civil donc ils ne sont pas répertoriés chez nous », avait-il indiqué. Fin septembre, toujours selon les chiffres du ministère de la justice, 129 revenants de la zone irako-syrienne, dont 51 femmes, étaient incarcérés dans des établissements pénitentiaires français dotés de personnels spécialement formés.
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Syrie
Français dans les camps syriens : Paris enfreint la Convention contre la torture, estime l’ONU
Selon le Comité contre la torture des Nations unies, Paris est dans l’obligation de protéger les femmes et les enfants de nationalité française détenus en Syrie. La France a déjà été condamnée deux fois pour le même motif.
Le Monde avec AFP
Publié le 21 janvier 2023 à 18h21
Photo : Au camp d’Hal-Hol, qui est administré par les forces kurdes, dans le nord-est de la Syrie, le 26 août 2022. DELIL SOULEIMAN / AFP
En refusant de rapatrier les femmes et les enfants de nationalité française qui sont détenus dans des camps syriens, la France enfreint la Convention contre la torture, juge le comité des Nations unies chargé de veiller à son application.
Même si l’Etat français « n’est pas à l’origine des violations subies, il demeure toujours dans l’obligation » de protéger ces personnes « contre des violations graves des droits humains en prenant toutes les mesures nécessaires et possibles », estime le Comité contre la torture dans une décision consultée samedi 21 janvier par l’Agence France-Presse. Ne pas prendre de « mesures efficaces » pour les protéger et ne pas les rapatrier « constituerait une violation (…) de la convention ».
La décision n’est pas contraignante, mais la France est invitée à transmettre au comité les décisions prises « pour donner suite [à ses] observations » dans les quatre-vingt-dix jours.
« Le Comité contre la torture des Nations unies le confirme : notre pays fait le choix d’abandonner des enfants et leurs mères en zone de guerre en ayant parfaitement conscience de la souffrance qu’ils endurent et des violences auxquelles ils sont exposés », réagit dans un communiqué Marie Dosé, avocate de familles de femmes et d’enfants retenus dans les camps du Nord-Est syrien. « Cent cinquante enfants et leurs mères affrontent un cinquième hiver » dans ces camps contrôlés par les forces kurdes, rappelle-t-elle.
Responsabilité partagée
Le comité avait été saisi en 2019 par des familles de ces femmes et enfants considérant que la France, en ne procédant pas à leur rapatriement, contrevenait aux articles 2 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
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L’Etat français, dans ses observations transmises au comité onusien et citées dans la décision rendue jeudi, a notamment considéré que la convention n’imposait pas à un pays de protéger ses ressortissants dans un territoire qui n’est pas sous sa juridiction. En outre, la France « n’a aucunement la capacité de procéder aux rapatriements » qui ne dépendent « pas uniquement (…) de la volonté du gouvernement », dit-il, évoquant la responsabilité des autorités locales et des mères.
La France a déjà été condamnée en 2022 par le Comité des droits de l’enfant puis par la Cour européenne des droits de l’homme pour la même raison. Après des années de traitement au cas par cas, la France a procédé à deux rapatriements de femmes et de mineurs, en juillet et en octobre dernier.
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Le Monde avec AFP