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’Victory City’ , le dernier roman de Salman Rushdie

Book presentation

jeudi 23 février 2023, par siawi3

Source : https://www.lepoint.fr/livres/on-a-lu-le-dernier-roman-de-salman-rushdie-18-02-2023-2509122_37.php#11

On a lu le dernier roman de Salman Rushdie

Dans « Victory City  », qui vient de paraître en anglais, l’écrivain célèbre la liberté dominée par une héroïne vibrante, Pampa Kampana.

Par Florence Colombani

Photo : L’écrivain et essayiste britannique Salman Rushdie en 2018 à Paris. © JOEL SAGET / AFP

Publié le 18/02/2023 à 16h00

Dans son récent portrait du New Yorker,Salman Rushdie convoque la figure d’E. M. Forster, rencontré lors de ses études à Cambridge. L’auteur d’Avec vue sur l’Arno (qui a inspiré le film de James Ivory Chambre avec vue) encourage le jeune Indien à écrire, lui assurant que « le grand roman indien serait écrit par un Indien ayant fait ses études en Occident ».

« J’admire beaucoup Route des Indes, poursuit Rushdie à propos du dernier opus du romancier britannique, parce que c’était un roman anticolonial à une époque où être anticolonial n’était pas du tout à la mode. Mais je me suis rebellé contre l’anglais forstérien qui était très froid et méticuleux. Je me suis dit : s’il y a une chose que l’Inde n’est pas, c’est froide. C’est un endroit chaud, bruyant, populeux, excessif. Comment trouver une langue qui exprime cela ? »

Victory City est la réponse de Salman Rushdie à cette question. Un roman qui n’est jamais « froid et méticuleux », mais au contraire bouillonnant et excessif, une histoire où les hommes volent et les oiseaux parlent, un livre pétri d’histoire et de culture indiennes où l’on croise des dieux aux noms grandioses croqués en silhouettes burlesques et dont l’héroïne – on le sait dès les premières pages – vivra 247 ans (soit – à peu près – la durée de vie du royaume de Vijayanagara).

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Le texte se présente comme la traduction, destinée au commun des mortels et donc déparée de ses rimes et de son langage châtié, d’un poème en sanscrit de 24 000 vers intitulé Victoire et Défaite et trouvé dans un pot de terre cuite. Son autrice, Pampa Kampana, l’héroïne du roman, est une figure inoubliable, l’âme de ce texte qui exalte le pouvoir de création féminin.

Une société affranchie du patriarcat

Car dans les premières pages, la petite orpheline Pampa se voit confier une mission par une déesse : celle de transformer la société pour que plus aucune femme ne doive mourir comme sa mère, qui s’est jetée dans le feu après la défaite de son royaume. Il faut, dit la déesse, que « les hommes considèrent les femmes d’une façon neuve » et faire place à la non-violence, dans une époque violente. La tâche n’est pas mince. Dotée de pouvoirs magiques, Pampa crée de toutes pièces une ville – Bisnaga – et ses habitants, établit des règles de vie respectueuses de tous et s’offre quelques cadeaux au passage, notamment un irrésistible marchand portugais pour amant.

Malgré sa nature quasi divine de « prophétesse », Pampa est aussi un personnage de chair et de sang, sujette à la colère et à la jalousie malgré les nobles idéaux qui l’habitent. Elle réussit au départ son pari. Dans son royaume, aucune femme ne vit voilée ni cachée. La tolérance et la bonne intelligence des sexes sont de mise. Mais les ennemis de Pampa et de sa société si différente ne manquent pas. Le plus redoutable est sans doute le temps – motif récurrent dans l’œuvre de Rushdie depuis Les Enfants de minuit.

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L’utopie qu’a bâtie Pampa Kampana ne peut résister au travail d’érosion et à sa cruauté… Qu’importe, puisque restent ses mots, semble nous dire Rushdie, dont le ton reste joyeux, plein d’humour et de fantaisie, tout au long du livre. En signant son seizième roman depuis la fatwa qui le frappe et le premier depuis l’attentat contre sa vie en août dernier (le manuscrit était déjà rendu à l’éditeur), Salman Rushdie partage avec sa belle Pampa cette victoire.

Victory City, chez Penguin Random House.

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