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France : Lutte contre les abus et les violences dans l’Eglise : sur quels sujets les évêques vont-ils vraiment travailler en assemblée ?

vendredi 24 mars 2023, par siawi3

Source : https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/lutte-contre-les-abus-et-les-violences-dans-leglise-sur-quels-sujets-les-eveques-vont-ils-vraiment-travailler-en-assemblee-87635.php

Lutte contre les abus et les violences dans l’Eglise : sur quels sujets les évêques vont-ils vraiment travailler en assemblée ?

Les propositions des groupes de travail de la CEF seront présentées aux évêques lors de l’assemblée plénière de Lourdes, avant un vote le 30 mars. Nous faisons ici un inventaire non exhaustif du contenu de leurs analyses et propositions qui seront examinées et débattues.

Par Youna Rivallain

Publié le 24/03/2023 à 13h24, mis à jour le 24/03/2023 à 14h17

À Lourdes, lors de l’assemblée plénière des évêques de France, le 11 juin 2021. Photographie de Lilian Cazabet / Hans Lucas. • LILIAN CAZABET

Après un labeur qui aura duré un an, conduit par une centaine de personnes aux compétences et engagements ecclésiaux variés, les neuf groupes de travail ont rendu leurs rapports à la Conférence des évêques de France (CEF). Ces groupes de réflexion composés de laïcs, de religieux et religieuses, de prêtres et d’évêques, avaient été créés à la demande de la CEF pour penser l’Église de France dans le contexte de la crise des violences sexuelles et abus spirituels, dans la continuité du rapport de la CIASE. Leur but : lutter contre ces violences.

L’objectif à court terme n’est donc pas explicitement de réformer l’Église, mais de mettre en mouvement un changement de culture dans le contexte de crise des abus, qui sont la résultante d’un système qu’il convient de décortiquer dans son intégralité.

Ordination de femmes diacres et d’hommes mariés ?

Le document final, initialement transmis aux médias sous embargo jusqu’à la fin de l’assemblée plénière de printemps (du 27 au 31 mars 2023) pour permettre aux évêques d’en prendre connaissance de manière apaisée avant de procéder aux votes des propositions, a été en partie rendu public par un quotidien jeudi. Ce dernier ressort notamment comme mesure phare l’ordination des femmes diacres et des hommes mariés, mettant en lumière et exagérant au passage une des propositions du groupe 8, dont la réflexion était consacrée aux causes des violences sexuelles dans l’Église.

Dans ses propositions, le groupe n° 8 invite en réalité les évêques français à solliciter le Saint-Siège pour une évolution du droit canonique « sur l’opportunité de définir au sein du Code de droit canonique l’ensemble des infractions sexuelles commises sur une personne mineure ou majeure (…), sur l’opportunité d’ouvrir aux femmes de nouveaux ministères (diaconat…), et sur l’opportunité de mener une expérimentation sur l’ordination d’hommes mariés ». Si la nuance est ténue, elle n’en reste pas moins nécessaire. Avec ces précisions, on peut imaginer que l’ordination de femmes diacres n’est pas pour la prochaine assemblée plénière.

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L’analyse et les recommandations des neuf groupes de travail trouvent leur origine dans le nœud du système qui a permis les violences sexuelles et spirituelles. Dans la synthèse, le coordinateur des groupes, Hervé Balladur (par ailleurs vice-président d’un grand cabinet de conseil international), parle de « toile de systémicité » qu’il faudrait décortiquer pour amorcer un changement de culture.

Le groupe n° 8, qui porte la réflexion transversale de l’analyse des causes des violences sexuelles dans l’Église, met en lumière trois grandes thématiques, sortes de clés de voûte du système ayant permis les abus. Ces trois thèmes peuvent permettre d’esquisser les premières grandes dynamiques des propositions des groupes, qui sont néanmoins bien plus nombreuses et variées.

Cléricalisme

Le cléricalisme est l’une des clés de voûte du système ayant conduit aux violences sexuelles et spirituelles, comme le rappelait le pape François dans sa Lettre au peuple de Dieu de 2018. Dans leurs analyses et recommandations, les groupes de travail décrivent un clergé corporatiste, sacralisé et monopolisant le pouvoir, mais aussi isolé et vulnérable, et ce notamment dû au célibat des prêtres. Le groupe n° 4 sur le discernement et la formation des futurs prêtres évoque par exemple la nécessité de fortifier la capacité des séminaristes à « entrer en relation de façon ajustée avec les réalités du monde et la communauté ecclésiale », cela notamment à travers des stages, mais aussi une meilleure formation de ceux qui forment les futurs prêtres.

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Concernant le ministère d’évêque, le groupe n° 5 consacré à l’accompagnement de ceux-ci préconise d’assurer une meilleure diversité dans la composition des conseils épiscopaux, et d’impliquer davantage les laïcs dans la gouvernance des diocèses pour permettre à l’évêque de libérer du temps pour accomplir des missions pastorales. Un accompagnement psychologique des évêques est aussi proposé, afin de les aider à repérer les signaux de faiblesse chez des prêtres, ainsi qu’à les soutenir dans la prise de décision.

Le groupe n° 6 sur l’accompagnement du ministère des prêtres évoque également l’idée de nouvelles façons de vivre pour ces derniers : habitat partagé avec des confrères, des laïcs couples ou célibataires, ou des personnes en situation de fragilité. Ils sont aussi invités à participer à des fraternités de prêtres ou de laïcs, et des équipes de mouvement. Quant au groupe n° 7, toute sa réflexion était consacrée à la manière d’associer davantage les laïcs aux travaux de la CEF, donc, pour les pasteurs, à sortir progressivement d’un entre-soi clérical.

Lutter contre l’entre-soi

Justement, le deuxième point clé des réflexions globales réside dans la lutte contre l’entre-soi, considéré comme une forme d’asphyxie : culture du secret, volonté de protéger l’institution du scandale, isolement du reste du monde qui favorise l’emprise, méfiance vis-à-vis de la justice civile… Dans cette perspective, le groupe n° 1 sur les bonnes pratiques en cas de signalement de violences sexuelles recommande par exemple un signalement systématique au procureur de la République dès que les faits sont susceptibles de constituer une infraction. Les membres de ce groupe préconisent également la création d’un observatoire national placé sous la responsabilité d’un laïc et chargé d’analyser les faits survenus, les procédures instaurées par l’Église et leurs dysfonctionnements.

Pour prévenir les situations d’emprise, beaucoup de groupes évoquent la nécessité de la formation, notamment des laïcs pour leur permettre d’identifier une situation à risque. C’est le cas du groupe n° 3, consacré à une réflexion sur le sacrement de réconciliation et l’accompagnement spirituel, des cadres où se déroulent la plupart des violences sexuelles et spirituelles. Le groupe n° 4 concernant la formation des futurs prêtres insiste sur la nécessité d’élaborer une démarche d’évaluation de la mise en œuvre de la ratio nationalis (règle de formation des futurs prêtres en France) notamment à l’aide d’intervenants extérieurs (psychologues, formateurs, DRH, juristes, responsables qualité, agents pastoraux, catéchistes, responsables de mouvements de jeunesse, etc.).

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Autre idée pour lutter contre cette culture de l’entre-soi, le groupe n° 8, consacré à l’analyse des causes des violences sexuelles propose, entre autres, de former systématiquement les laïcs et les clercs dans les mêmes cursus, et de soutenir financièrement la formation des laïcs.

Éthique sexuelle et familiale éloignée du réel

Enfin, une autre clé de voûte de ce système à décortiquer réside, selon le groupe n° 8 sur les causes des violences sexuelles, dans une éthique sexuelle et familiale trop éloignée du réel et de l’incarnation. « Obsession de la pureté », « morale sexuelle centrée sur la norme » et pouvant « culpabiliser les victimes », « nivellement de comportements sexuels incomparables dans leur gravité »… Dans cette optique, le groupe n° 4 sur la formation des futurs prêtres en préconise une à l’éducation affective et sexuelle « qui permette aux séminaristes de s’interroger sur leur propre réalité, leurs fonctionnements intimes, les implications humaines et spirituelles du célibat consacré ». Dans la même optique, le groupe n° 3 sur l’accompagnement du ministère des prêtres propose un accompagnement des clercs et des formations adaptées à leurs besoins, notamment sur la vie affective et sexuelle, les addictions, le numérique ou le repérage de l’épuisement.

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Le groupe n° 8, quant à lui, invite les évêques à développer l’altérité et renforcer en particulier la place des femmes dans la liturgie et aux postes de décision. Il suggère également, avec Amoris laetitia, de structurer la morale fondamentale, sexuelle, conjugale et familiale de l’Église « en sortant d’une approche strictement normative pour se rapprocher d’une éthique des vertus ».

Les neuf rapports et les propositions des groupes seront présentés aux évêques mardi 28 et mercredi 29 mars lors de l’assemblée plénière de la CEF à Lourdes. Ceux-ci procéderont ensuite aux votes des propositions le jeudi 30 en fin de journée. Elles ne forment que la première étape d’une réflexion, destinée à enclencher un changement de culture dans l’Église de France.