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France : Mariage d’une épouse non vierge annulé

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lundi 2 juin 2008

Tous unis contre l’annulation

Révélée par « Libération », l’annulation d’une union par un tribunal au motif que la mariée n’était pas vierge fait l’unanimité contre elle. Seule Rachida Dati défend le jugement.

par Charlotte Rotman dans Liberation, 31 mai 2008

Elisabeth Badinter parle de « honte », le PS dénonce un jugement « atterrant » qui « bafoue le droit des femmes ». Patrick Devedjian (UMP) évoque une décision « inacceptable » qui « revient à intégrer la pratique de la répudiation dans le droit positif ». Et son parti demande à la Chancellerie de déclencher « un recours » :l’annulation d’un mariage par le tribunal de Lille, parce que l’épouse avait menti sur sa virginité, provoque un vif débat. Dans ce concert de protestations qui unit féministes, associations antiracistes, gauche et droite, une voix reste isolée. Celle de Rachida Dati. « Le fait d’annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage, parce que je pense que cette jeune fille […] a souhaité également, sans doute, se séparer assez rapidement », a commenté la Garde des sceaux.

Les raisons d’une annulation

X. et Y., musulmans, se marient à l’été 2006. La cérémonie s’achève très mal. Lors de la nuit de noces, l’homme découvre que son épouse n’est pas vierge comme il le croyait et comme elle le lui avait assuré. Dès le lendemain, il entame des démarches pour faire annuler le mariage. Devant la juge, Y. reconnaît qu’elle a menti et acquiesce à la demande de nullité.

La juge s’est appuyée sur l’article 180 du Code civil et a considéré que ce mariage avait été conclu « sous l’emprise d’une erreur objective », et qu’une telle erreur était « déterminante dans le consentement ». Y. « a été présentée comme célibataire et chaste », relève le jugement. Il n’en était rien. Le tribunal donne raison au mari qui a considéré que sa « vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux ». Le mari a été trompé sur la virginité de sa femme, considérée en l’occurrence (et non de manière absolue pour tous les candidats au mariage) comme « une qualité essentielle. »

Pourquoi ne pas avoir divorcé ?

L’annulation du mariage permet d’en effacer les traces, alors qu’un divorcé le restera toujours. L’union n’a pas eu lieu. L’affront est gommé. Le marié retrouve une virginité. « Comme s’il n’y avait jamais rien eu » a-t-il expliqué à son avocat.

Recours ou pas recours ?

Beaucoup réclament que la décision du tribunal soit contestée…sur le terrain du droit. Frédéric Lefèbvre, porte-parole de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, demande « un recours dans l’intérêt de la loi pour dire le droit ». Le procureur ne semble pas sur cette voie. Il a parlé d’une décision « assez conforme à la jurisprudence classique », et insisté sur le fait que les deux époux étaient « d’accord ». Tout comme Rachida Dati, qui a défendu la décision lilloise mais n’a toutefois pas voulu préciser si elle était favorable ou non à un appel. Un « pourvoi dans l’intérêt de la loi » auprès de la Cour de cassation peut être envisagé une fois le délai d’appel d’un mois expiré.

Une décision discriminatoire ?

Les féministes montent au créneau sur ce terrain. De fait, on ne pourra jamais prouver la virginité d’un homme.

Quelles conséquences ?

Cette décision pourra-t-elle faire pression sur les candidates au mariage dans des milieux où on prône la chasteté avant le mariage ? « Faisons attention à ce que cette jurisprudence va engendrer : demain il va y avoir une multiplication des nullités du mariage, on pourra avoir des jeunes filles qui pourraient subir des opérations chirurgicales pour se refaire l’hymen [lire page 4] », s’alarme Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République. Faut-il changer la loi ? Pour Laurence Rossignol, secrétaire nationale aux droits des femmes du PS, c’est « urgent, avant que [cette décision] ne serve de point d’appui pour enfermer encore davantage les jeunes filles et les femmes. » Tout comme, Dominique Paillé porte-parole de l’UMP : « S’il y a eu stricte application de la loi, c’est que la loi n’est plus bonne, il faut la modifier. »Valérie Boyer, députée UMP, suggère « une loi visant à exclure la non-virginité comme cause déterminante du consentement ».

Un jugement contraire à la laïcité ?

Le jugement de Lille ne mentionne pas la religion des deux parties. Il se prononce de manière technique, pas sur des valeurs. Mais cette décision a été vue comme une atteinte à la laïcité. « A partir du moment où on rentre dans une appréciation relative en fonction des convictions religieuses, c’est un non-respect de la laïcité », a jugé le médiateur de la République. L’association Ni Putes ni Soumises s’est alarmée : « Nous marchons à grand pas vers une sacralisation du communautarisme par la justice, un glissement vers l’institutionnalisation du relativisme culturel ! » Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la Ville, parle de « fatwa ». « J’ai cru que l’on parlait d’un verdict rendu à Kandahar [fief taliban en Afghanistan, ndlr]. »

La mariée libérée ?

En pleine polémique, certains décèlent une bonne nouvelle. « Par cette décision, cette jeune femme est libérée de devoir supporter toute sa vie un abruti étriqué d’esprit. Que ce cas fasse jurisprudence ne peut que servir les femmes » écrit un internaute de Libération.fr qui se présente « d’origine maghrébine ». Une autre ajoute : « Ayant été dans le même cas (sauf que mon ex-mari savait avant notre mariage que je n’étais pas vierge, mais il ne l’a jamais digéré) je pense que c’est un bon débarras pour cette dame. » Rachida Dati semble elle aussi de cet avis.

Éditorial dans Liberation, 31 mai 2008

Régression
- par laurent joffrin

Donc, la virginité serait une « qualité essentielle » des jeunes épousées dans la France de 2008. Depuis des générations, féministes et laïques se sont battues pour combattre ce préjugé archaïque. Et voilà qu’un tribunal républicain, en annulant un mariage pour cause de mensonge intime, lui donne soudain la solennelle sanction de la jurisprudence !

Jour faste pour l’internationale des cagots, victoire pour la grande ligue des obscurantistes de toutes obédiences.

Certes, les autorités françaises, dans l’application des principes légaux, doivent parfois faire preuve de tact avec les minorités croyantes. Certes, les mécanismes de l’intégration républicaine doivent, dans certains cas, prévoir des étapes transitoires sur cette route escarpée. Certes, d’autres mensonges peuvent légitimement conduire à l’annulation - rare - de certains mariages. Mais nous avons affaire en l’espèce à un cas flagrant de régression discriminatoire. Les hommes n’ont pas, eux, et pour cause, à prouver leur virginité avant de convoler en justes ou injustes noces. Rachida Dati parle de « protéger » les jeunes filles placées dans ces circonstances humiliantes. La décision de la justice d’instance menace surtout l’émancipation future de centaines de milliers d’autres jeunes femmes qui ont droit, comme toutes dans ce pays, à la libre disposition de leur intimité. La liberté de culte est garantie en France. Pour le reste, est-ce à la religion de s’adapter à la République, ou bien l’inverse ? Il est temps que la justice réponde clairement à cette question d’avenir.

Mariage d’une épouse non vierge annulé : Elisabeth Badinter « ulcérée »

« La sexualité des femmes est une affaire privée et libre en France », affirme la philosophe française, qui exprime sa « honte » pour la justice française.

dans Liberation, 29 mai 2008

La philosophe et écrivain française Elisabeth Badinter n’en revient pas. Au point d’avoir « honte » pour la justice française. En cause, la décision du tribunal de grande instance de Lille d’annuler un mariage parce que l’épouse du futur mari, musulmane comme lui, n’était pas vierge.

« Je suis ulcérée par la décision du tribunal d’accepter de juger ça parce que la sexualité des femmes est une affaire privée et libre en France, absolument libre », a déclaré Elisabeth Badinter sur France Inter. « Très inquiète » de ce jugement annulant un mariage « parce que la jeune femme n’est pas vierge et a menti sur sa virginité », Elisabeth Badinter estime que « ça aboutit tout simplement à faire courir nombre de jeunes filles musulmanes dans les hôpitaux pour se faire refaire l’hymen. Et par conséquent au lieu pour un tribunal de défendre les femmes, de défendre ces jeunes femmes, au contraire il accentue la pression sur elles ».

« Et je vous dis franchement, je pense à cette malheureuse jeune fille, humiliée, publiquement humiliée, revenant dans sa famille, ce qu’elle a dû vivre a dû être épouvantable. J’ai honte que la justice française n’ait pas pris a coeur de défendre toutes ces jeunes filles », a-t-elle conclu.

Mme Dati défend l’annulation d’un mariage pour mensonge sur la virginité
LEMONDE.FR avec AFP | 30.05.08 | 14h25 • Mis à jour le 30.05.08 | 21h26
Le mariage annulé par décision de justice en avril, au motif que la mariée avait menti sur sa virginité, n’en finit pas de provoquer des réactions. Après Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité chargée du droit des femmes, qui s’est déclarée, jeudi 29 mai, « consternée » de voir que certaines interprétations du code civil puissent conduire « à une régression du statut de la femme », Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la politique de la ville, a évoqué vendredi une « fatwa contre l’émancipation des femmes ».
La garde des sceaux, Rachida Dati, a cependant défendu la décision rendue par le tribunal de grande instance de Lille, estimant que l’annulation de ce mariage était « aussi un moyen de protéger (...) cette jeune fille ». La garde des sceaux a ainsi émis l’hypothèse que la femme avait souhaité se séparer assez rapidement. « La justice est là pour protéger les plus vulnérables », a rappelé la ministre de la justice, indiquant que la « décision civile, avec le consentement des deux parties, a été prise par un critère juridique, à savoir une erreur sur la qualité essentielle de la personne pour une des parties ».

« TRÈS RÉDUCTEUR PAR RAPPORT AU STATUT DE LA FEMME »

C’est justement cette qualification d’« erreur sur des qualités essentielles de la personne », une notion qui permet à l’autre époux, en vertu de l’article 180 du code civil, de demander la nullité du mariage, que conteste le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye. « La sexualité, à la différence du divorce, de l’identité, de la tutelle curatelle ou encore de la nationalité de la personne, reste du domaine de la sphère privée et chacun est libre de disposer de son corps comme il l’entend. » Selon l’analyse de ses services, « la virginité n’est pas du tout une qualité essentielle d’une personne. »
M. Delevoye s’inquiète des conséquences engendrées par cette jurisprudence : « Demain il va y avoir une multiplication des nullités du mariage et on pourra avoir des jeunes filles qui pourraient subir des opérations chirurgicales pour se refaire l’hymen. » Pour le médiateur, cette décision de justice est « contraire à l’esprit de la laïcité et très réducteur par rapport au statut de la femme ».

« LA CHANCELLERIE DOITCLENCHER UN RECOURS », SELON L’UMP

Alors que le PS a qualifié hier ce jugement d’« atterrant », le parti au pouvoir a interpellé le gouvernement. Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP, a vivement réagi sur les ondes de RMC et sur BFM-TV : « S’il y a eu stricte application de la loi, c’est que la loi n’est plus bonne, il faut la modifier. Si on est allés au-delà de la loi, à ce moment-là il faut que ce soit sanctionné », a-t-il déclaré.

Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, a souhaité, vendredi 30 mai, que la chancellerie « déclenche un recours dans l’intérêt de la loi pour dire le droit. (...) C’est une mise en cause de l’égalité hommes-femmes, les hommes ne pouvant être mis en cause pour les mêmes motifs ».