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France
Nullité du mariage pour non virginité de l’épouse : texte du jugement et reactions
1 avril 2008, n° 07-08458
mercredi 4 juin 2008
Affaire de Lille : le texte du jugement
Recueil Dalloz 2008 p. 1389
Nullité du mariage pour non virginité de l’épouse : Jugement rendu par Tribunal de grande instance de Lille (1 avril 2008, n° 07-08458)
Sommaire : L’épouse acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s’en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de son époux au mariage projeté. Il convient alors de faire droit à la demande de l’époux de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.
Texte intégral :
LE TRIBUNAL : - Exposé des faits et de la procédure : - X..., de nationalité française, s’est marié avec Y... le 8 juillet 2006 à .... Par acte du 26 juillet 2006, il a fait assigner Y... devant le tribunal de céans, arguant avoir été trompé sur les qualités essentielles de sa conjointe. L’affaire a fait l’objet d’une radiation le 4 septembre 2007 pour défaut de diligences des parties, avant d’être réenrôlée à la demande de X...
Prétentions des parties : - Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2007, X... sollicite : l’annulation du mariage sur le fondement de l’article 180 du code civil, que chacune des parties supporte ses propres dépens. Il indique qu’alors qu’il avait contracté mariage avec Y... après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu’il n’en était rien la nuit même des noces. Y... lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l’union conjugale, il demande l’annulation du mariage.
Selon ses dernières écritures signifiées le 4 septembre 2007, Y... demande au tribunal de : lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par X..., dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l’exécution provisoire du jugement.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2008. Après avoir reçu communication de l’affaire, le Ministère public a visé la procédure le 26 octobre 2007 et a déclaré s’en rapporter à justice.
Sur ce :
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 180 du code civil, s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l’article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu’une telle demande n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l’époux a acquis sa pleine liberté ou que l’erreur a été par lui reconnue ;
Attendu qu’il convient en premier lieu de constater qu’en l’occurrence, l’assignation a été délivrée avant l’expiration d’un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l’erreur ; que l’action en annulation du mariage s’avère dès lors recevable ; - Attendu qu’en second lieu il importe de rappeler que l’erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l’empire d’une erreur objective, mais également qu’une telle erreur était déterminante de son consentement ;
Attendu qu’en l’occurrence, Y... acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s’en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de X... au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint ;
Sur les dépens : - Attendu que conformément à l’accord des parties, chacune conservera à sa charge les dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance ;
Sur la demande d’exécution provisoire : - Attendu que les parties s’accordant pour voir prononcer l’annulation de leur mariage, l’exécution provisoire du jugement sera ordonnée ainsi que l’a requis Y... ;
Par ces motifs, le tribunal, statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort, après communication de l’affaire au ministère public, prononce l’annulation du mariage célébré le 8 juillet 2006 à ... (acte n° 50) entre X... et Y..., ordonne la transcription du présent jugement en marge de l’acte de naissance des parties et de l’acte de mariage ....
Composition de la juridiction : Mme Polle-Senaneuch, prés. - Me Dupont-Thieffry, Me Mauger, av. Texte(s) appliqué(s) : Code civil - art. 180 - art. 181
lundi 2 juin 2008
Affaire de Lille : Aubry scandalisée
Selon une dépêche AFP en date du 1 juin 2008, la maire de Lille Martine Aubry s’est déclarée « scandalisée » par la décision du tribunal de grande instance de sa ville d’annuler un mariage « pour non virginité » de la femme : « Je voudrais dire combien j’ai été époustouflée, scandalisée par la décision du tribunal de Lille d’annulation de mariage pour non virginité », a déclaré Mme Aubry en concluant la journée des « reconstructeurs » du PS. « Nous savons que les droits des femmes ne sont jamais acquis, mais nous ne pensions pas arriver à une telle régression dans notre pays », a ajouté la maire de Lille en regrettant que « la vie privée ait été mise sur la place publique » dans cette affaire.
lundi 2 juin 2008
Affaire de Lille : les Insoumises sont révoltées
Alors qu’elle n’est plus vierge le jour de son mariage, la justice française condamne la jeune épouse. Une règle qui s’impose aujourd’hui pour les femmes des quartiers populaires est la virginité, le voile de surcroît pour celles qui seraient musulmanes. Souvenons-nous du voile, il annonçait clairement la régression du statut des femmes, l’interdiction de disposer de sa sexualité et de son corps librement.
Aujourd’hui rien n’a changé, cela plutôt tendance à empirer. Il suffit de passer le périf pour constater que les choses se dégradent. Une multitude de jeunes femmes se voile. Elles le portent par obligation, par choix, par mode, par identification mais aussi pour vivre en paix dans leur quartier. Si certaines n‘hésitent pas à mettre leur vie en danger pour vivre librement, d’autres abdiquent après des années de bataille.
La virginité des filles est en passe de devenir la norme. Les familles vont jusqu’à demander un certificat délivré par un médecin poussant certaines à se faire recoudre l’hymen. Comme alternatives, les grandes sœurs conseillent la pratique de la sodomie ou bien une prise de sang la veille des noces pour discrètement tacher le drap. Et c’est bien cette hypocrisie que la société française cautionne par ce jugement. Au lieu de faire de la prévention par une éducation sexuelle qui émanciperait et informerait des risques, de promouvoir l’égalité homme/femme, les pouvoirs publics, judiciaire dans ce cas, cautionnent le contrôle social du corps de la femme par l’homme.
Les chiffres sont là : 70 000 mariages forcés et arrangés en 2003 sur le territoire, de plus en plus de femmes se font recoudre l’hymen, 10 000 fillettes excisées, 5 000 crimes d’honneur en Europe sans parler du machisme prégnant et quotidien.
Premières victimes, les femmes sont fragilisées par le manque d’indépendance financière, le chômage, le temps partiel subi, le manque de place en crèche, la hausse des loyers et le coût de la vie. Sans compter les pressions et violences subies dans le foyer conjugal.
Ces femmes accumulant l’ensemble des difficultés socio-économiques ont été clairement ignorées par une partie des mouvements féministes, notamment ceux de 1968 qui sont toujours divisés sur la question du voile et soutiennent plus ou moins explicitement le discours des indigènes de la république, relativisme culturel quant tu nous tiens ! La politique clientéliste du gouvernement Sarkozy vis-à-vis des communautés n’a eu d’égal que la répression contre les populations vivant dans les quartiers ghettos. Aujourd’hui, un tribunal français donne raison à des traditions archaïques, machistes et discriminatoires. Les fondamentalistes de tous bords doivent se réjouir de cette décision qui considère la virginité comme la condition sine qua non du mariage. Après avoir donné, un statut juridique à l’embryon, remettant en question le droit à l’avortement, quelle sera la prochaine régression pour les femmes ?
Nous pouvons bien célébrer les 40 ans de mai 68 ! Mais de quoi avons nous réellement hérité ?
Les Insoumises http://www.insoumises.org
lundi 2 juin 2008
COMMUNIQUE DE PRESSE DU COLLECTIF NATIONAL POUR LES DROITS DES FEMMES
Cela pourrait prêter à rire si ça n’était pas somme toutes lourd de menaces : Libération révèle aujourd’hui que le tribunal de grande instance de Lille a annulé un mariage en avril car la mariée n’était pas vierge. En fait, il y aurait eu « tromperie sur la marchandise » car la femme avait prétendu l’être . L’article 180 du Code civil qui a été invoqué par le marié stipule : « S’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage. »
Ainsi, il existe en France, au 21 ème siècle, des juges pour considérer que la virginité (des femmes évidemment !) au mariage est une qualité essentielle..... On a vraiment peine à le croire. La police des moeurs est de retour....Bientôt les femmes seront brûlées sur des bûchers comme des sorcières ! Dormez, braves gens, l’ordre moral veille sur vous.
Plus sérieusement, de quoi la justice se mêle-t-elle ? Pour les intégristes de tous poils, si cela continue comme ça , il ne sera bientôt même plus nécessaire de revendiquer des tribunaux communautaires, ce seront les tribunaux de la très laïque République française qui se chargeront des sales besognes. Quelle aubaine ! Et tout cela sur le dos et le ventre des femmes.
Mais nous l’affirmons solennellement : nous nous sommes battues pour conquérir l’égalité des droits et nous ne nous laisserons pas faire !
vendredi 30 mai 2008 La mariée n’était pas vierge (Caroline Fourest)
Il y a quelques semaines, un tribunal de grande instance de Lille accordait l’annulation d’un mariage à la demande d’un conjoint qui estime avoir été trompé sur la marchandise : il pensait avoir une femme vierge et elle ne l’était pas. La décision suscite un débat passionné, que nous allons tenter d’examiner avec un peu de sang-froid.
Dans un pays où il est relativement facile et simple de divorcer, la procédure visant à annuler un mariage est plutôt rare mais elle existe. Le ministère public l’utilise notamment pour annuler des mariages blancs ou des mariages forcés. Des conjoints peuvent également saisir l’article 180 du Code civil s’ils estiment avoir été trompés sur l’une des « qualités essentielles de leur conjoint ». Il arrive par exemple qu’un conjoint l’obtienne parce qu’il a découvert que son partenaire était homosexuel, anciennement prostitué ou impuissant.
En l’occurrence, le mari pensait avoir épousé une femme qui lui « a été présentée comme célibataire et chaste ». Il est ingénieur, elle est étudiante, et tout se passait plutôt bien jusqu’à la nuit de noce. Vers 4h du matin, le mari est revenu furieux parmi les derniers convives en parce que le drap n’était pas tâché de sang ! Le père de la mariée s’est senti déshonoré et a donc ramèné la mariée, un peu comme retourne un produit avarié. On imagine ce qu’elle a pu ressentir.
Dès le lendemain, son époux a cherché à faire annuler le mariage. En principe, la difficulté consiste a prouvé qu’on a été induit en erreur sur l’une des qualités essentielles de son conjoint. Ici, la question ne s’est pas posée puisque devant le tribunal, la jeune femme a reconnu avoir eu des relations sexuelles avant le mariage. « La jeune mariée avait caché la vérité, convaincue que son fiancé ne l’aurait jamais épousée s’il avait connu la réalité », note le commentateur de la publication juridique relatant l’affaire.
Au vu du Code, les juges pouvaient difficilement faire autrement que d’accorder l’annulation dans la mesure où la mariée avait menti sur une « qualité essentielle » aux yeux de son mari. C’est d’ailleurs l’argument invoqué par le plaignant : « Je ne peux pas faire une union solide, basée sur un mensonge. » Les juges lui ont donné raison non pas parce que la mariée n’était pas vierge mais en raison de ce mensonge.
Il ne s’agit donc pas d’un accommodement raisonnable, comme on le pratique au Québec, c’est-à-dire une concession au communautariste religieux sous prétexte de tolérance ou du multiculturalisme. Cette affaire est moins troublante en raison du jugement qu’en raison de la nature de la plainte. Car elle révèle au grand public ce que tous les gynécologues et les militants du Planning familial savent : à savoir qu’en 2008, alors que les hommes se vantent volontiers d’être expérimentés, on continue à considérer une femme comme un produit dont la date de validation serait périmée dès lors qu’elle a eu une vie sexuelle et amoureuse avant le mariage. Certaines jeunes femmes vont même jusqu’à débourser 2700 euros pour se faire recoudre l’hymen en cachette. La technique est relativement nouvelle, mais pas la motivation. Cette tradition sexiste consistant à faire peser l’honneur d’une famille entre les cuisses des femmes a une histoire au moins aussi longue que le péché originel. Des grand-mères ayant connu la France des années 50, celle d’avant mai 68 et le mouvement féministe de 70, vous racontent qu’elles étaient surveillées comme le lait sur le feu pour arriver vierges jusqu’au mariage et se marier en blanc.
Aujourd’hui, encore, il existe des mouvements comme « l’Amour vrai attend » qui invite de jeunes chrétiens à rester vierges jusqu’au mariage et même à signer des certificats de virginité par lequel ils s’engagent, je cite, « à rester purs par la grâce de Dieu ». Mais au moins le devoir de chasteté s’applique aux hommes comme aux femmes et les familles ne vont pas frapper aux portes des gynécologues pour exiger des certificats de virginité. En revanche, il existe des catholiques qui demandent l’annulation de leur mariage plutôt que de divorcer lorsqu’ils apprennent que leur conjoint a été déjà marié.
En l’occurrence, ce jeune couple était musulman. Et ne soyons pas hypocrite, les familles qui se préoccupent encore de savoir si la mariée était vierge sont désormais plutôt musulmanes. Mais il ne s’agit pas forcément de familles intégristes. Ce qui est peut-être encore plus consternant. Les jeunes femmes que l’on soumet à ce test de la virginité ont grandi en France, ne porte généralement pas le voile. Elle ne se plie à cette coutume par peur de fâcher leur famille ou d’avoir mauvaise réputation. Cette obsession familiale tient moins à la religion qu’au fait d’avoir émigré après les années 70, de ne pas avoir connu Mai 68, le mouvement de libération des femmes et de vivre dans une image totalement figée des coutumes patriarcales de son pays d’origine. Ce qui est choquant, donc, c’est moins le jugement de Lille que la persistance épuisante de coutumes sexistes. Reste à savoir comment ce jugement sera perçu par toutes celles à qui l’on donne le sentiment que mentir sur sa virginité est une faute, même aux yeux des tribunaux de la République.
Chronique de France culture du 30/05/08
jeudi 29 mai 2008 Un tribunal annule un mariage parce que la mariée avait menti sur sa virginité
Europe 1 vient de mettre en lumière une décision rendue par le tribunal de grande instance de Lille : il a annulé un mariage entre deux jeunes musulmans. Au motif que la mariée n’était pas vierge, contrairement à ce qu’elle avait dit :« Le mari estime avoir été trompé, la justice lui a donné raison » écrit la journaliste d’Europe 1.
Les juges ont en effet estimé que le mari avait bien été trompé sur la chasteté de son épouse, considérée en l’occurrence comme « une qualité essentielle ». Ils se sont référés à l’article 180 du code civil, qui permet d’annuler une union, lorsqu’il y a erreur sur une « qualité ». Un article déjà retenu dans des précédents jugements. Comme lorsque un époux a découvert que son conjoint s’était prostitué ou qu’il avait caché une maladie mentale.
Lire l’article paru sur Europe 1.fr : http://www.europe1.fr/Info/Actualite-France/Justice/Elle-n-etait-pas-vierge-son-mariage-a-ete-annule/(gid)/139165
Mots croisés, 2 juin 2008, France 2
2e débat : La mariée n’était pas vierge
Invités :
Caroline FOUREST
-Essayiste et journaliste à Charlie Hebdo
-Réalisatrice du reportage « Hymen : certifiées vierges » diffusé dans Envoyé Spécial sur France 2
Nadia KHOURI-DAGHER
-Anthropologue
-Spécialiste des cultures arabes
-Auteur de « Hammam et Beaujolais »
Emmanuel PIERRAT
-Avocat
-Auteur de « Le sexe et la loi »
Safia LEBDI
-Présidente de l’association « Les insoumis-es »
[Source : www.prochoix.org/ ]