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Le Pape contre la laïcité
lundi 2 novembre 2009, par
A BRNO, BENOÎT XVI INVITE LES TCHÈQUES À RÉAGIR À LA MONTÉE DE LA SÉCULARISATION
Source : Le Monde 06/10/2009 17:16
La tâche était rude, Benoît XVI le savait. En se rendant du 26 au 28 septembre en République tchèque, le pape a choisi de délivrer son message de foi dans le pays le plus sécularisé d’Europe.
Durant trois jours, menant une charge virulente contre « l’oppression athée » des régimes communistes et les progrès de la sécularisation, il s’est donc employé à rappeler les racines chrétiennes de la République tchèque - et plus largement de l’Europe -, pour tenter d’y redynamiser un catholicisme minoritaire.
La grande messe populaire, dimanche, a semblé symboliser cette discrétion. Si des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux fidèles polonais, slovaques et hongrois, avaient fait le déplacement à Brno sous un soleil estival, la cérémonie célébrée sur l’aéroport de la deuxième ville du pays a cantonné la visite papale loin du centre-ville et d’un possible intérêt populaire.
Durant ce voyage sans grande émotion, le pape allemand a placé « l’athéisme » promu par quarante années de régime communiste au coeur de ses critiques ; sans allusion au cas particulier de la République tchèque dont la distance avec le catholicisme est, pour des raisons historiques, antérieure à cette période. Comme il l’avait fait la veille en évoquant « la société actuelle, qui porte encore les blessures causées par l’idéologie athée », Benoît XVI a insisté sur ce point, lors de la messe à Brno. « L’expérience de l’Histoire montre à quelles absurdités parvient l’homme quand il exclut Dieu de l’horizon de ses choix et de ses actions », a-t-il souligné.
« Votre pays, comme d’autres nations, connaît une situation culturelle qui représente souvent un défi radical pour la foi et donc aussi pour l’espérance », a-t-il lancé aux fidèles, répétant là son inquiétude récurrente face à la sécularisation grandissante que connaissent les pays occidentaux et au matérialisme qui, selon lui, l’accompagne. Ce thème a été développé dans le discours quasi philosophique qu’il a tenu devant le monde académique. « Qu’arrivera-t-il si dans son souci de préserver un sécularisme radical, la culture se détache elle-même des racines qui lui donnent vie ? », s’est-il demandé.
« Le pape n’a pas de réponse magique » face à l’avancée de la sécularisation, a reconnu le porte-parole du Vatican, le Père Federico Lombardi. Benoît XVI semble toutefois miser sur la réappropriation par les jeunes générations de leur « héritage chrétien » et du « patrimoine de valeurs spirituelles, culturelles, éthiques, de justice et de liberté ». Cela passe aussi, pour lui, par la glorification des « saints », longuement évoqués durant son voyage.
Conscient que la liberté recouvrée, il y a vingt ans, après l’effondrement des régimes communistes, n’a pas suffi à favoriser le retour de la foi, Benoît XVI, en pape professeur, a aussi posé la question du « juste usage (de) la liberté humaine » et redit sa conviction que « la liberté et la recherche de la vérité » - Dieu pour les chrétiens - « soit vont ensemble, main dans la main, soit périssent ensemble misérablement ».
Plaidant pour une présence plus forte des croyants dans la société, il a regretté que « sous de nouvelles formes se font jour des tentatives pour marginaliser l’influence du christianisme dans la vie publique ». « Nous devons nous demander ce que l’Evangile a à dire à la République tchèque et aussi à l’ensemble de l’Europe dans une période marquée par la prolifération planétaire des points de vue. » Selon Benoît XVI, la prise en compte des religions dans le domaine de la raison universelle « est en outre indispensable au dialogue des cultures » dont le monde a « un besoin si urgent ».
Dans ce contexte, les Eglises et les croyants doivent prendre leur part de responsabilité. Lors d’une rencontre oecuménique, le pape a plaidé pour un front commun de toutes les Eglises chrétiennes afin de « rappeler à l’Europe ses racines ». Cette ambition se heurte encore souvent aux différends entre les traditions chrétiennes. Il a aussi incité les croyants « à la réflexion », convaincu que la situation actuelle de l’Eglise devait les amener « à engager une autocritique de la modernité et une autocritique du christianisme moderne ».
Une feuille de route aux effets incertains, mais incontestablement marquée de la pensée de Benoît XVI.
Stéphanie Le Bars
Article paru dans l’édition du 29.09.09