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France : Gilets Jaunes - « On se croyait parti pour un sprint, mais en fait c’est pour un marathon »
Quelle suite donner au mouvement ? « Sortir de la logique des samedis »
lundi 8 avril 2019, par
« Gilets jaunes » : « On se croyait parti pour un sprint, mais en fait c’est pour un marathon »
Deux cent trente-cinq délégations venues de toute la France se réunissent tout le week-end à Saint-Nazaire pour débattre des modes d’actions et de l’avenir du mouvement.
Par Aline Leclerc
Publié aujourd’hui 7 avril 2019 à 02h35, mis à jour à 02h35
Photo : Les « gilets jaunes » débattent par groupes d’une vingtaine de personnes, lors de l’« assemblée des assemblées » à Saint-Nazaire, le 6 avril. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Si le nombre de « gilets jaunes » dans les défilés, samedi 6 avril, était, selon le ministère de l’intérieur, à son plus bas niveau depuis le début de la mobilisation (22 300 manifestants), une partie du mouvement a pourtant, dans le même temps, fait un pas de plus vers une meilleure structuration au niveau national. Et ce n’est pas si paradoxal.
Bientôt cinq mois après les premiers blocages, environ 700 « gilets jaunes », délégués par 235 groupes de toute la France, sont réunis depuis vendredi 5 avril, et jusqu’à dimanche 7 avril à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour la deuxième « assemblée des assemblées ». C’est plus de trois fois le nombre de délégations qui s’étaient rendues à Commercy (Meuse) fin janvier, pour la première grande réunion nationale de cette sorte.
L’organisation nazairienne aux faux airs de festival altermondialiste soulignait ce changement d’envergure : badges de couleurs pour différencier les statuts des participants – vérifiés à l’entrée –, tente pour les nombreux médias « accrédités » avec des « points presse », trois cantines extérieures pour contenter végétaliens et carnivores, et même un « off » pour les citoyens et les « gilets jaunes » n’ayant pas pu rentrer.
Photo : La séance plénière est retransmise sous un chapiteau à l’extérieur du bâtiment pour ceux qui n’ont pu entrer faute de place. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Car ceux de Saint-Nazaire avaient beau avoir abattu les cloisons au sein de l’ancien bâtiment des Assedics devenu « maison du peuple » qu’ils occupent depuis le 24 novembre, ils ont dû refuser une trentaine de délégations faute de place. Signe de l’élan suscité par l’initiative de Commercy, il y a deux mois.
Changement d’échelle
Ce week-end là, à l’issue de très longues discussions où les présents s’interrogeaient sur leur légitimité à parler au nom de tous les autres, l’assemblée était parvenue à rédiger un appel commun, le premier d’un collectif si nombreux de « gilets jaunes ». Un texte qui rappelait les raisons de cette révolte « contre la vie chère, la précarité et la misère » et appelait à en finir avec les inégalités sociales, tout en dénonçant la répression du mouvement.
Les signataires y affirmaient par ailleurs n’être « ni racistes, ni sexistes, ni homophobes », une première. Depuis, cet appel a énormément circulé, et sert de référence pour une partie des manifestants qui y ont reconnu leurs valeurs, créant une sorte d’obédience au sein de cette fronde hétéroclite.
Photo : Séance plénière lors du deuxième jour de l’« assemblée des assemblées », le 6 avril. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Ce sont les tenants de cette ligne et de cette volonté de structurer le mouvement de la façon la plus horizontale possible, qu’on retrouve à Saint-Nazaire. Aucune des figures médiatiques de la lutte n’a fait le déplacement, certains ayant même décrié l’événement sur les réseaux sociaux.
Dès les premières discussions, on notait chez les « gilets jaunes » un changement de perception comme de perspective, résumé d’une phrase par l’un deux : « On croyait qu’on était parti pour un sprint mais en fait on est parti pour un marathon, il faut se préparer à ça. » Alors que le 17 novembre, ils espéraient faire plier le pouvoir en quelques jours, ceux réunis à Saint-Nazaire ont évoqué souvent le « long terme ».
C’est que la lutte a aussi changé d’échelle : partie d’un combat contre les hausses des taxes contre le carburant, ils revendiquent désormais un changement de système, et reprennent en cœur les « anti-anti-anticapitalistes »entendus dans les manifestations. Inimaginable les premiers temps.
« Voir comment on peut fonctionner »
La baisse de mobilisation constatée samedi dans les cortèges, les « gilets jaunes » en ont également fait le constat, sur leurs ronds-points et dans leurs groupes locaux. Ils en témoignaient vendredi lors d’un échange sur leur vécu. Des réalités assez proches, du Finistère aux Bouches-du-Rhône, des Pyrénées à la Savoie, de Paris à Bordeaux, dans les villages, comme dans les villes. Ceux qui étaient un millier en novembre, ne sont plus qu’une centaine, ceux qui étaient une centaine ne sont plus que trente.
Photo : Une carte permet aux participants d’indiquer leur délégation d’origine. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
« On a perdu beaucoup de femmes qui avaient peur de la répression », expliquait une déléguée de Lorraine. « Quand on vous détruit quatre fois la cabane, ça use », pointait un autre. Beaucoup ont aussi connu des querelles d’ego et des dissensions sur les modes d’actions. « Les gaz [lacrymogènes] sont montés à la tête de certains et ils ont du mal à envisager de construire. Ils ne pensent plus qu’aux manifs ! », racontait un « gilet jaune » de l’Ardèche, plusieurs autres se reconnaissant dans cette expérience.
« Les gilets disparaissent aussi des pare-brise », notait un délégué de Redon (Ille-et-Villaine). « La violence des manifestants pose problème à beaucoup de gens, ça revient souvent, et ça nous discrédite », soulignait un « gilet jaune » de Vire (Calvados). Une question revenait à maintes reprises : « Comment mobiliser les gens qui nous soutiennent mais ne manifestent pas avec nous ? » Francis, de Marseille, s’interrogeait en aparté : « On a fait une projection du film de François Ruffin sur les “gilets jaunes” : il a fallu faire trois séances car la salle de 700 places était pleine. Donc si 2 000 personnes viennent applaudir ce film, pourquoi ne sont-ils pas dans la rue ? »
Mais ce sont justement aussi ces difficultés qui ont poussé ces « gilets jaunes », restés motivés après cinq mois de fronde, à venir à Saint-Nazaire. « On est venu voir comment on peut fonctionner. Chez nous, on est traversé par des tas de divisions, le but c’est pour moi d’arriver à nous fédérer », expliquait ainsi Francis. La plupart des présents étaient venus chercher dans ce grand moment de « bouillonnement » collectif à la fois de l’énergie et des idées, piochées dans les expériences des uns ou les connaissances des autres.
« On sait à quoi on sert »
« Je m’attendais à un peu plus de dépression mais je vois que tout le monde est motivé ! », s’enthousiasmait un « gilet jaune » d’Orléans. « On savait qu’ici on trouverait des gens calés, des professeurs, des scientifiques. C’est ça la mixité du mouvement, y’a des gens de la base et puis des gens qui savent plein de choses », expliquait Claude, jeune retraité de 60 ans, qui tient toujours un rond-point à Troyes (Aube).
Photo : Devant l’ancien bâtiment des Assedic, lieu de réunion de l’assemblée des « gilets jaunes », le 6 avril. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Rapidement, les « gilets jaunes » se mettaient donc au travail, en ateliers – dont la plupart étaient fermés à la presse, dans une volonté de confidentialité – autour de différents thèmes selon leurs affinités : communiquer en interne et en externe, rédiger une charte commune des « gilets jaunes », un appel sur la question écologique. Quelles revendications ? Quelle stratégie pour les européennes ? Comment créer une maison du peuple ? Quelles alliances ?
Et c’est au bout de quelques heures qu’on constatait qu’en deux mois, cette assemblée avait mûri, certaines idées ne faisant plus question : sensible à Commercy, la convergence avec les syndicats notamment le 1er mai semblait une évidence. Surtout, on entendait quasiment plus évoquer ces problèmes de légitimité et de méthode, qui avaient occupé l’essentiel de la première « assemblée des assemblées ». « C’est un des acquis de Commercy : on sait à quoi on sert et comment on peut décider sans décider. On a trouvé un consensus autour de l’idée que l’on propose des initiatives mais qu’elles sont soumises aux assemblées locales qui ont le dernier mot », expliquait un des « gilets jaunes » de Saint-Nazaire en introduction.
Photo : Des participants s’inscrivent à des groupes de travail thématiques. THEOPHILE TROSSAT POUR « LE MONDE »
Samedi après-midi déjà, des premiers textes – l’un sur la question écologique, l’autre sur la stratégie aux européennes – étaient soumis à un vote indicatif en assemblée plénière. Ils pourraient être validés ce dimanche par un second vote, avant d’être rendus publics puis soumis aux groupes locaux qui voudraient en discuter partout en France. Une ultime journée de débat fermée aux journalistes.
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Gilets jaunes : quelle suite donner au mouvement ? « Sortir de la logique des samedis »
Publié le 07/04/2019 à 12h00. Mis à jour à 12h04
par Sudouest.fr avec AFP.
Photo : Réunis à Saint-Nazaire, des gilets jaunes planchent sur la suite à donner au mouvement. LOIC VENANCE AFP
« On croyait qu’on était partis pour un sprint, et en fait on était partis pour un marathon. Il faut se préparer pour ça ! » ont lancé des gilets jaunes réunis en assemblée à Saint-Nazaire.
Ils étaient 22.300 samedi dans les rues selon l’Intérieur, la plus faible mobilisation depuis novembre, mais à la Maison du peuple de Saint-Nazaire, les délégués « gilets jaunes » des ronds-points n’étaient ni abattus ni défaitistes, certains de réussir à « renforcer le mouvement » notamment en s’organisant.
« On croyait qu’on était partis pour un sprint, et en fait on était partis pour un marathon. Il faut se préparer pour ça ! », lance au micro l’un des participants à la deuxième « Assemblée des assemblées » des « gilets jaunes ».
Lire aussi : Gilets jaunes à Bordeaux : enfin un samedi sans casse
« On a un vécu commun »
Qu’ils soient de Pau, Commercy, Paris ou Lure, parmi les centaines de « gilets jaunes » venus à Saint-Nazaire de vendredi à dimanche, tous reconnaissent un essoufflement de ce mouvement inédit de contestation de la politique sociale et fiscale du gouvernement, qui a réuni 282.000 personnes dans les rues et sur les ronds-points le premier samedi de mobilisation le 17 novembre, un chiffre jamais dépassé. « Au départ il y avait énormément de monde, et aujourd’hui ça s’amenuise », lance Benny depuis l’estrade centrale. Entre les destructions de cabanes par les forces de l’ordre et la lassitude, beaucoup de ronds-points ne sont plus jaunes.
[( « Ça a été tellement dur de sortir les Français dans la rue, des gens complètement déconnectés de la politique… ça a été tellement difficile qu’ils ne rentreront pas chez eux »)]
« On a un vécu commun : les cabanes détruites, une baisse de la participation, des problèmes pour se fédérer », lance Valérie, du Mans, aux plus de 700 délégués et observateurs, selon l’organisation, qui tentent tant bien que mal de tenir dans la grande salle. « Quelles sont les réponses ? ». Il faut « renforcer la base », faire valoir « les valeurs de non-violence », et, avant tout, « renforcer et poursuivre le mouvement », explique à son tour une jeune femme venue de Nanterre.
Fédérer, « converger », « devenir un socle vers lequel convergeraient toutes les luttes »… Des mots qui reviennent souvent.« Il faut définir un objectif », abonde le groupe de discussion « stratégie ». « L’objectif c’est la remobilisation et la convergence, il faut mobiliser ceux qui ne sont pas encore gilets jaunes, et remobiliser les gilets jaunes ». Comment ? « On refait des ronds-points et on va vers les gens pour leur parler ».
« L’Etat commence à se poser la question ’qu’est ce que je fais après le grand débat’. Nous on se pose la question aussi », explique Vlad (nom d’emprunt), 34 ans, venu d’Essonne. Pour lui, les « gilets jaunes » ne sont « pas moins impliqués » cinq mois après le début du mouvement. « Ça a été tellement dur de sortir les Français dans la rue, des gens complètement déconnectés de la politique… ça a été tellement difficile qu’ils ne rentreront pas chez eux », pronostique-t-il.
« Il y a un grand besoin de coordination entre les groupes », abonde Hélène, de Paimpol, au moment de restituer des débats entre « gilets jaunes » de différentes régions Crédit photo : LOIC VENANCE AFP or licensors
Vers un 1er mai unitaire, des actions au G7 à Biarritz ?
Dans ce mouvement polymorphe, qui refuse toute idée de chef ou de système pyramidal, organisation, revendications et convergences -avec les associations ou organisations syndicales-, ne semblent plus être des mots interdits.
« On en a besoin de cette organisation », reconnaît Camille (nom d’emprunt). « A la base c’était très très brouillon. Aujourd’hui on s’organise de plus en plus, on arrive à se fédérer (…) Si ça reste brouillon on se fatigue, donc on a tous envie de structuration et d’organisation pour rassembler les énergies plutôt que s’éparpiller ».
« J’aimerais sortir de la logique des samedis »
« Il y a un grand besoin de coordination entre les groupes », abonde Hélène, de Paimpol, au moment de restituer des débats entre « gilets jaunes » de différentes régions. Aucun des délégués de Saint-Nazaire n’a pourtant de pouvoir décisionnel et chacun devra faire redescendre les idées pour qu’elles soient ensuite adoptées ou non localement.
D’ici là, sur les grandes feuilles qui ornent peu à peu les murs de la Maison du peuple, apparait une ébauche d’organisation et de projets, d’un 1er mai unitaire à une nouvelle « Assemblée des assemblées » au Pays-Basque au moment du G7, en passant par une grève générale à partir du 2 mai. « J’aimerais sortir de la logique des samedis », explique Garance Person, qui prône partout où c’est possible l’installation de Maisons du peuple, qu’elles « pullulent ».
« On en a besoin de cette organisation », reconnaît Camille (nom d’emprunt). « A la base c’était très très brouillon. Aujourd’hui on s’organise de plus en plus, on arrive à se fédérer (…) Si ça reste brouillon on se fatigue, donc on a tous envie de structuration et d’organisation pour rassembler les énergies plutôt que s’éparpiller ». Crédit photo : LOIC VENANCE AFP
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Source : https://www.youtube.com/watch?v=iu1k2N6lfaA
Gamal Abina à propos des Gilets jaunes : « Ca ne va pas en s’apaisant »
RT France
Ajoutée le 6 avr. 2019
Entretien du 6/4/2019 avec Gamal Abina, cofondateur du Mouvement des droits civiques. Il commente ce nouveau samedi de mobilisation des Gilets jaunes, en pointant du doigt l’absence du réponse sociale du gouvernement, notamment.
VIDEO ici
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Source : https://www.youtube.com/watch?v=0yLav4Il6uQ
Gilets Jaunes : Philippe Bouriachi dénonce un Etat « ultra-répressif, sans réponse politique »
RT France
Ajoutée le 6 avr. 2019
Entretien du 6/4/2019 avec Philippe Bouriachi, membre d’Europe-Ecologie Les Verts. Il commente ce nouveau samedi de mobilisation des gilets jaunes, et fait un état des lieux de la situation politique et sociale française.
VIDEO ici