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France : La cause des femmes boit la tasse
mardi 2 juillet 2019, par
Source : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/la-cause-des-femmes-boit-la-tasse/
La cause des femmes boit la tasse
par Valérie Toranian
1 juillet 2019
Tout est politique disaient les féministes des années 1970. Le mariage, le travail, la sexualité, la procréation : la libération des femmes était une question politique puisqu’elle obligeait l’État et l’ensemble de la société à repenser le système de subordination, l’abus de pouvoir, la tolérance concernant des comportements inacceptables, etc. Cette revendication a pu se prolonger dans un militantisme parfois excessif. Mais elle était fondamentalement pertinente. La libre disposition de leur corps par les femmes se pensait comme la liberté de s’affirmer comme sujet au sein d’une société en pleine égalité avec les hommes.
Aujourd’hui le corps des femmes est de nouveau au cœur de la bataille. Visage libre ou visage masqué, corps couvert ou découvert, PMA ou pas… Réglementer le corps des femmes est au cœur de nombre de batailles sociétales.
Piscine en ébullition à Grenoble
Voilà une polémique comme les associations islamistes adorent en créer dès la venue des beaux jours. Oui car ne nous y trompons pas : ces femmes en burkini qui s’affichent à la piscine, contre le règlement, au nom de leur bon droit à se baigner habillées, sont des activistes. Leur mouvement, l’Alliance citoyenne, a un agenda politique. Ce regroupement d’associations qui se bat pour des causes diverses compte parmi ses tout premiers « alliés » les Étudiants Musulmans de France (aile étudiante de l’UOIF, branche française des Frères musulmans) et l’association Coexister qui promeut le multi-confessionnalisme en particulier dans les établissements scolaires. L’Alliance citoyenne a créé une assemblée civique pour les droits des femmes musulmanes voilées qui lutte « pour l’accès aux piscines, aux salles de sport, aux salles de soins, aux sorties scolaires pour les accompagnatrices voilées »… Le but de ce happening éclaboussant est de faire avancer la cause des femmes voilées dans l’espace public.
[( « Les progressistes tombent dans le panneau et applaudissent cette belle révolte. Les idiots utiles et les soumis n’ont jamais manqué dans ce pays. »)]
Comme l’écrit Adrien Roux*, un des dirigeants de l’association, « nous n’attendrons pas qu’on nous donne des droits, prenons-les ». Bref, entre les règles hygiénistes qui régissent toutes les piscines de France et qui empêchent de se baigner tout habillé et la religion, ces militants exigent que la réglementation tranche en faveur de la religion.
Les progressistes tombent dans le panneau et applaudissent cette belle révolte. Les idiots utiles et les soumis n’ont jamais manqué dans ce pays. Yassine Belattar était fier samedi de poster un selfie avec « Taous, madame Burkini de Grenoble » et d’ajouter en commentaire : « Les journalistes n’oubliez pas qu’il y a des femmes sous les voiles. » Le problème c’est que cette rebelle voilée qu’il a tant à cœur de défendre, est Taous Hammouti, porte-parole de l’Alliance citoyenne Grenoble qui avait écrit au moment des attentats islamistes : « N’oubliez jamais que c’est Charlie qui a dégainé le premier ». Yassine Belattar, rappelons-le, est membre de l’instance du Conseil présidentiel des villes, où il fut nommé pour sa proximité avec Emmanuel Macron.
Pourtant, M. le Président, n’avez-vous pas déclaré qu’il fallait être « intraitable » face à l’islam politique et « plus dur à l’égard de toutes les formes de cet islamisme politique », car « c’est une menace sur la capacité à tenir la nation ensemble » ?
Projet de loi pour sacraliser la religion musulmane… et donc leur corps caché ?
Portée par la députée LREM Laetitia Avia, le projet de loi visant à lutter, à juste titre, contre la haine sur internet veut forcer les sites à retirer « dans un délai de 24 heures tout contenu comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire en raison de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap ». Dans l’exposé des motifs de la loi, une première version du texte citait explicitement « l’islamophobie » comme idéologie haineuse au même titre que l’antisémitisme, le racisme ou l’homophobie.
[( « Lutter contre l’islamophobie reviendrait donc à interdire toute critique de l’islam et de sa pratique, et à réintroduire le délit de blasphème. Le rêve des islamistes en France. »)]
C’était la première fois qu’apparaissait dans un texte officiel « l’islamophobie », concept fer de lance des Frères musulmans dans la bataille pour l’islam politique. Un terme très problématique car lutter contre l’islamophobie reviendrait donc à interdire toute critique de l’islam et de sa pratique, et à réintroduire le délit de blasphème. Le rêve des islamistes en France.
Devant la réaction inquiète de quelques républicains vigilants (Laurent Bouvet, Céline Pina, Caroline Fourest entre autres), le mot islamophobie a disparu du texte remplacé par « idéologie haineuse anti-musulmans ». Le pire a été évité. Il s’agit de pénaliser non plus la haine de l’islam mais la haine du musulman. Et surtout de ne pas légitimer un terme que les islamistes veulent introduire à tout prix dans le débat public (et d’une certaine manière ils ont déjà gagné…).
Mais pourquoi la haine contre le musulman devrait-elle être traitée à part ? La loi prévoit déjà de punir tout incitation à la haine en raison de la religion. Pourquoi la haine anti-chrétienne, anti-bouddhiste, anti-hindouiste ou anti-athée serait-elle moins grave ? Définir la haine est déjà un problème en soi. Définir une haine spécifique anti-musulman est inutile, discriminant et anti-républicain. Les femmes en burkini de Grenoble peuvent très bien considérer l’interdiction qui leur est faite comme une haine envers des musulmanes.
[( « Cette comédie du burkini peut prêter à sourire. Mais le diable est dans les détails. »)]
Le maire de Grenoble, personnalité de gauche, n’a pas tort de demander un éclaircissement sur la conduite à tenir dans les piscines au niveau national. Cette comédie du burkini peut prêter à sourire. Mais le diable est dans les détails. La querelle sur le foulard islamique avait commencé par un ricanement général des bien-pensants ; ils dénonçaient les horribles réacs qui voulaient opprimer ces charmantes jeunes filles. On a bien compris depuis que les femmes, leur foulard, leur burkini et leur fausse pudeur sont des armes idéologiques de l’islam politique.
Autocensure dans les médias
Ce sera l’une des conséquences de cette loi sur la cyberhaine. Il est vrai que le problème est complexe et que la responsabilité des éditeurs de contenus ne saurait être niée. Mais pour ne pas avoir de problème, mieux vaudra désormais ne pas diffuser de contenu qui critique l’islam et/ou les musulmans. Le dessin humoristique avait pris du plomb dans l’aile. Désormais c’est le débat même qui risque de devenir suspect. Les temps sont durs pour l’esprit critique et la satire. Le New York Times a renoncé à ses cartoons. Pas de temps ni d’argent à perdre dans des poursuites judiciaires. Tant pis pour l’humour. En Allemagne, la dessinatrice Franziska Becker est accusée d’islamophobie et de racisme pour ses caricatures sur des femmes voilées. Alors qu’elle dessine dans des magazines prestigieux et n’épargne aucun pouvoir et aucune chapelle depuis 1991. Cela rappelle tristement l’affaire des caricatures du prophète et les procès contre Charlie Hebdo. On sait hélas que cela n’annonce rien de bon.
[( « Aujourd’hui on veut faire des femmes l’emblème d’un libéralisme multiculturel qui enferme chacun(e) dans son ethnie ou sa religion et nie par définition toute universalité. »)]
Où sont les femmes ? demandait un chanteur dans les années 1970. Celles des années 1980, ayant réussi l’amalgame de l’autorité et du charme voulaient accéder à la présidence. Celles des années 2020 regardent éberluées des islamistes plonger dans l’eau pour revendiquer le séparatisme avec les hommes et des horaires aménagés dans les piscines.
On se battait pour le droit universel des femmes sur toute la planète, quelles que soient leur culture, leur couleur et leur religion. Aujourd’hui on veut faire des femmes l’emblème d’un libéralisme multiculturel qui enferme chacun(e) dans son ethnie ou sa religion et nie par définition toute universalité. La gauche nage en eaux troubles et se noie dans le relativisme culturel. La droite, qui s’est découverte une passion pour le féminisme, le récupère à son profit au nom d’un combat trop souvent identitaire.
Où sont les femmes ? Dans un grand bain de confusion. Qui éclabousse la République.
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*Citant une tribune signée par un Collectif de femmes musulmanes, publiée dans Libération le 1er mars 2019.