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France : qu’est-ce que l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique ?
mercredi 25 mai 2022, par
Affaire Abad : qu’est-ce que l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique ?
Laura Andrieu
24/05/2022 à 22:44
Créée en février, cette association est à l’origine des signalements visant le ministre Damien Abad, accusé de viol par deux femmes. L’affaire Abad n’en finit pas de secouer le gouvernement, pourtant à peine nommé. Quelques centaines de personnes ont défilé ce mardi dans les rues de Paris pour r... Lire la Affaire Abad : qu’est-ce que l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique ?
Créée en février, cette association est à l’origine des signalements visant le ministre Damien Abad, accusé de viol par deux femmes.
L’affaire Abad n’en finit pas de secouer le gouvernement, pourtant à peine nommé. Quelques centaines de personnes ont défilé ce mardi dans les rues de Paris pour réclamer la démission du nouveau ministre des Solidarités, Damien Abad, accusé de viol et de violences sexuelles par deux femmes – ce qu’il conteste. À l’origine de cette mobilisation ? L’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. Et, c’est ce même Observatoire qui a lancé la première alerte mi-mai après avoir reçu le signalement d’une femme affirmant avoir subi « des faits de viols » par l’ancien président du groupe LR à l’Assemblée nationale. Qui est à l’origine de cet Observatoire ? Quelles personnalités le composent ? Quelles sont ses missions ? Le Figaro fait le point.
Présidentielle : les initiatrices de #Metoo Politique lancent un Observatoire des violences sexistes et sexuelles : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/presidentielles-les-initiatrices-de-metoo-politique-lancent-un-observatoire-des-violences-sexistes-et-sexuelles-20220222
Contrairement à ce que son nom laisse supposer, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique n’est pas une institution officielle mais une association loi 1901. Elle a été créée en février après la publication d’une tribune dans Le Monde , en novembre 2021, dénonçant le sexisme et les violences sexuelles dans la sphère politique – à l’origine du mouvement Me Too en politique. L’association a été cofondée par cinq femmes, engagées en politique dans des partis de gauche. On retrouve ainsi Alice Coffin, militante féministe et LGBT et élue EELV au Conseil de Paris, Mathilde Viot, qui travaille pour des députés LFI, Madeline Da Silva, adjointe au maire socialiste des Lilas (Seine-Saint-Denis), Fiona Texeire, collaboratrice d’élus, et la journaliste Hélène Goutany, qui co-anime un podcast féministe.
Travail de veille sur les candidats aux législatives
Selon ses statuts, le principal objectif de l’association est de « soutenir et faciliter les actions visant à promouvoir la place des femmes dans la vie publique et lutter contre les violences sexistes et sexuelles ». « Nous voulons que les partis politiques cessent d’embaucher, de faire élire ou de parrainer des hommes politiques accusés de violences sexuelles et sexistes », complète Fiona Texeire. Pour cela, les fondatrices travaillent sur « des données publiques » : « On effectue un travail de veille sur les candidats aux législatives notamment pour relayer les informations les concernant. On fait des rappels sur nos réseaux sociaux en affichant la source, qui sont des articles de presse. ». « On travaille toujours de la même manière : on fait remonter des faits qui sont publics parce qu’on sait qu’il y a une capacité à l’oubli », ajoute Madeline Da Silva.
L’Observatoire a ainsi rappelé les accusations de violences sexuelles à l’encontre d’Éric Zemmour, la condamnation pour violences conjugales visant Jérôme Peyrat, entre autres. Ce lundi, l’association a également interpellé la France insoumise sur l’un de ses députés accusé d’agressions sexuelles, dans un article publié par le magazine Causette en 2018. S’il ne s’agit pas là de son rôle premier, l’Observatoire recueille également la parole de femmes victimes de violences sexuelles et sexistes dans le milieu politique. « Notre création a incité des femmes à se confier à nous, ajoute Fiona Texeire. On essaye, dans la mesure de nos moyens comme nous ne sommes pas nombreuses, de recueillir leur parole, de les orienter vers des structures en place. »
Le cas échéant, l’Observatoire peut interpeller les partis en cause. C’est ce qu’il s’est passé dans l’affaire Abad. « C’est la première fois que nous faisons un signalement nous-même, relate Fiona Texeire. C’est la seule fois où la victime nous a demandé de le faire. » L’association a ainsi transmis par mail le témoignage reçu par courrier, à plusieurs responsables LR et LREM le 16 mai, puis de nouveau le 19 mai. Le parquet de Paris a, de son côté, confirmé avoir « été destinataire le 20 mai d’un signalement émanant de l’Observatoire », actuellement en « cours d’analyse ». « Notre procédé est d’abord de signaler les faits aux partis politiques qui ont l’obligation de protéger les personnes en leur sein, avance Madeline Da Silva. Comme nous n’avons pas obtenu de réponses à notre relance, nous avons ensuite effectué un signalement au procureur de la République, avec l’accord de la victime bien sûr, en respectant son anonymat. » Un article de Médiapart, publié le 21 mai, a dans la foulée révélé l’affaire au grand public.
Manque de moyens
Depuis, les membres de l’Observatoire ont essuyé des critiques de la part de responsables politiques mais aussi sur les réseaux sociaux quant à leur ancrage à gauche et leur proximité avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). « Bien sûr que nous sommes engagées en politique, on ne s’en cache pas, s’agace Fiona Texeire. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons lancé le #MeTooPolitique. Si des femmes politiques d’autres bords veulent nous rejoindre, nous les accueillons à bras ouverts. » La collaboratrice parlementaire rappelle, en outre, que les fondatrices de l’Observatoire, qui n’existait pas à l’époque, ont condamné l’affaire Baupin, du nom de l’ancien député EELV accusé d’agressions sexuelles. « J’étais membre d’EELV à l’époque, rappelle-t-elle. Forcément cela nous a beaucoup touchées, on est aussi indignées par ces affaires-là. Il n’y a pas des agresseurs ou des violeurs de droite ou de gauche. »
Egalement interpellé pour ne pas s’être positionné concernant l’ancien candidat LFI, Taha Bouhafs accusés de violences sexuelles, l’Observatoire dénonce « un non-sujet ». « À partir du moment où le grand public l’a su, je l’ai d’ailleurs aussi appris dans les journaux, il n’était plus candidat, avance Fiona Texeire. Nous, c’est ce qu’on demande, l’alerte a été traitée, de quoi allions-nous parler ? On a cessé de parler de tous ceux qui ne sont plus candidats comme Jérôme Peyrat ou Jean Lassalle. »
Nouveau gouvernement : une association féministe critique trois ministres « à contre-courant de MeToo » : http://www.lefigaro.fr/politique/nouveau-gouvernement-une-association-feministe-critique-trois-ministres-a-contre-courant-de-metoo-20220520
Les fondatrices de l’Observatoire réclament par ailleurs une meilleure prise en charge de ces questions par les partis politiques tout comme la création d’une instance gouvernementale. « Il faut une structure en interne pour la lutte contre les violences sexuelles, plaide Madeline Da Silva. Il faut qu’il y ait des cellules de recueil de la parole au sein des partis politiques. » Fiona Texeire abonde : « On ne peut pas faire le travail d’une instance gouvernementale. On demande une mesure très simple : que la Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie publique, en charge de contrôler le patrimoine des élus, puisse étendre ses prérogatives aux violences sexuelles. Et, qu’elle puisse, à son niveau, ouvrir une cellule d’écoute pour les victimes. » Dans son rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France en 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes recommandait, en effet, d’étendre les missions de la HATVP « à la question du respect de l’éthique en politique pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde politique ».